Emilio Calcagno, ancien danseur du ballet Preljocaj, et Olivier Dubois, interprète chez Jan Fabre, s’associent pour une première création qui invite la danse à la rencontre des bandes dessinées de Stéphane Blanquet… (lire la suite)
Emilio Calcagno, ancien danseur du ballet Preljocaj, et Olivier Dubois, interprète chez Jan Fabre, s’associent pour une première création qui invite la danse à la rencontre des bandes dessinées de Stéphane Blanquet
Comment regarder les animations de Stéphane Blanquet ? Derrière des échelles d’enfants et des tracés proches de la simplification, il se cache des histoires à nous faire frémir. Dans Les billes, des enfants prennent les yeux d’un accidenté de la route pour continuer leur jeu. Dans Les oreilles, c’est une mère qui coupe celles de ses enfants pour les nourrir. Blanche Neige nous effraie tout autant, mais le lyrique des décors enveloppe la violence d’une douceur déguisée. Chez Blanquet, la simplicité du crayon nous renvoie les choses dans un condensé brut, jouant moins de l’inconscient (la marque de Walt Disney) que de l’effet choc, propre à déclencher le rire. En sourdine est une adaptation libre de l’univers du dessinateur. Un œil investit l’espace, il cherche et il se cherche, par des jeux de tête, à travers une loupe ; l’espace devient l’univers. L’œil est curieux, inquisiteur, renifleur du désir. Voilà une oreille, enveloppée dans sa monture, elle se pâme, elle se cache, elle fait sa timide, jouant du point de rencontre et d’un possible pas de deux. Des cartons recouvrent la scène et se dressent comme des immeubles, la rencontre se fait dans l’urbain. Les costumes dessinés par Blanquet inscrivent le danseur dans un type de bouger : des demi-cercles pour l’œil, des jeux de cache-cache pour l’oreille. Question : est-il déjà arrivé à nos oreilles de dialoguer avec nos yeux ? Nous portons des lunettes de soleil et nous supportons le bruit ambiant — ou bien, t’as de beaux yeux et de grandes oreilles. Parler de l’oreille, c’est souvent parler d’un ordre de taille, comme quelque chose qui dépasse et dénature un équilibre d’ensemble, mais j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux. L’œil absorbe, l’œil envoûte, il attire, il juge, il séduit. Pourquoi tant de pouvoirs, pourquoi tant d’apparence ? Oui, je me souviens d’un instant où mes oreilles ont dialogué avec mes yeux : une rencontre dans le silence, la sensation d’un entre-deux, le bruit de l’air, la présence de l’autre, un moment d’inertie qui me ferme les yeux.
Texte : Karim Grandi-Baupain
Photo : JC-Carbonne
En sourdine. Les 30 & 31 à l’Amphithéâtre de la Verrière (Cité du Livre, Aix-en-Provence). Rens. 04 42 93 48 07