On l’adore ou on le déteste pour les mêmes raisons : ce raffinement pop qui confine au maniérisme, et donne à sa musique un charme aussi désuet qu’évident. Ladies & gentlemen, mister Rufus Wainwright…
Chez les Wainwright, la musique est une histoire de famille. Ses parents chantent, sa sœur aussi, et le petit Rufus a été élevé très tôt au biberon pop sucré : piano à six ans, tournée en famille à treize. Pourtant, lorsqu’on lui cherche une filiation artistique, c’est plus du côté de la littérature qu’il faut se pencher, car sa musique évoque irrésistiblement les plaisirs exquis d’une bourgeoisie début de siècle dont les préférences esthétiques, sociales et sexuelles frôlaient le snobisme et la préciosité : Rufus Wainwright aurait très bien pu être le petit-fils d’Oscar Wilde ou de Marcel Proust. A défaut, ce musicien canadien apparaît aujourd’hui comme l’un des derniers représentants des divas pop à voix envoûtante, qui doivent autant à Judy Garland[1] qu’à Jeff Buckley, et distillent au compte-goutte des petits plaisirs mélodiques dont on se croit toujours le seul et unique auditeur à pouvoir jouir. Malgré la grandiloquence de l’instrumentation, c’est ce sentiment d’intimité qui nous conforte dans notre écoute et nous rend très vite accro à cette emphase romantique. Efficacité mélodique, envolées lyriques et réalisme poétique d’un autre temps (une reprise d’Arletty, en français) teintent sa musique d’un romantisme classieux qui nous est cher. Reste enfin la voix, d’une beauté aérienne et extatique, qui n’a rien à envier à certains vocalistes classiques et dont on pourrait parler pendant des heures… Un piano et une voix, cela devrait être suffisant pour transformer l’Espace Julien en un cabaret décadent où l’on pourra profiter, le temps d’un soir, des inclinaisons poétiques de cet irrésistible esthète.
Texte : nas/im
Photo : Ellis Parrinder
Le 14 à l’Espace Julien, 20h. Rens. 04 91 60 61 62
Dans les bacs : Release the stars (Geffen)
Notes
[1] Un disque de reprises est d’ailleurs annoncé d’ici peu