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Les podcasts Jean-Claude Izzo, une réalité imaginaire

Quartier livres

 

Une bonne résolution en cette nouvelle année ? Redécouvrir l’œuvre de Jean-Claude Izzo, mais d’une manière singulière. En collaboration avec la Revue Sonore, les détenus de la Maison d’Arrêt des Baumettes nous proposent sept épisodes sonores dans lesquels ils analysent l’œuvre de l’auteur marseillais sur leur propre radio, et à travers eux, leur vision de cette ville qui a fait couler tant d’encre.

 

 

Depuis plus de vingt ans, Radio Baumettes permet aux détenus de réaliser des émissions, relayées par un canal interne, mais également sur Radio Galère tous les lundis entre 10h et 11h. Le projet est intégré au sein du protocole d’Accompagnement à la Sortie, qui permet aux détenus de renouer peu à peu avec la société civile. Il est initié par la Revue Sonore, une association qui a pour objectif de pousser le média sonore hors du studio et de le faire vivre dans l’espace public. Il s’agit de raconter le monde et créer du lien grâce au tempo, le tout sans dissocier la création de la démarche journalistique qu’ils souhaitent transmettre dans la maîtrise des outils techniques et éditoriaux. Aussi, au mois de novembre dernier, c’est sur l’écriture de Jean-Claude Izzo que Paul, Hassan et Abdel (et ceux qui préfèrent rester anonymes) ont décidé de jeter leur dévolu.

« C’est bien la vie qui se joue ici, jusqu’au dernier souffle. » Sur un fond de trompette inspiré de Miles Davis et du chant flamenco, on entend déclamer, comme dans une immense mélancolie, des morceaux choisis des différents romans de l’auteur marseillais. Sortes de mini punchlines, ils nous rappellent, pour notre plus grand bonheur, qu’avant d’être une intrigue, les ouvrages d’Izzo portent une écriture percutante, mêlant cynisme et immense espoir.

Les détenus retracent l’histoire de l’auteur à travers l’interview de sa première épouse, Hélène Bastianelli, ou bien de son fils Sébastien. Ils nous emmènent dans le Marseille de la pègre et fouillent son passé ouvrier de fils d’immigré, son attrait pour le corps social, sa volonté de se battre contre les différentes formes de discriminations, son optimisme revanchard…

En guise de fond sonore, on y croise pêle-mêle les rappeurs issus de la cité phocéenne — IAM, Keny Arkana, ou la nouvelle génération, Jul, SCH et consorts — dont le succès national et international s’explique, selon l’auteur, car « d’où que l’on vienne, on est chez soi à Marseille. Marseille est familière au premier regard. » (Solea).

Lors d’un épisode, l’un des animateurs, Hassan, met en miroir cette œuvre avec sa propre pratique d’écriture, et nous dévoile quelques bribes de son autobiographie. Nous apprenons en parallèle qu’avant d’être écrivain, Izzo a toujours rêvé d’être poète et considère le livre comme un manque. Mention spéciale pour cet épisode, nommé Izzo-poésie, qui met en lumière un recueil injustement méconnu, Le Réel au plus vif, poème qui, lu à haute voix, nous semble comme ancré dans la terre et justifie à lui-seul le caractère universel de l’écriture de Jean-Claude Izzo.

« Et c’est dans cet espace non fréquenté du temps, car tout est encore à dire, et rien n’est entendu, qu’il est seulement possible de le taire » : le parallèle avec la prison prend ici tout son sens, et fait écho à Hassan qui décrit l’état de son « cerveau incarcéré », ou bien qui assimile la prison elle-même à une forme de fiction où l’on doit éviter de s’enfermer trop longtemps.

Cette analyse sensible, menée avec émotion, respect et une pointe d’humour, fait que l’on assiste avec plaisir à ces débats, ces digressions et ces témoignages. Par le médium sonore, nous poursuivons le fil d’une réalité pas si lointaine, et qui semble retranscrite en fiction, sachant pertinemment qu’« à Marseille, même pour perdre, il faut savoir se battre. »

 

Laura Legeay

 

Podcasts Jean-Claude Izzo, une réalité imaginaire, à écouter ici

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