A Aix, une rétrospective consacrée au cinéaste Jean Renoir offre l’occasion unique de s’aérer l’esprit au contact d’une œuvre charnelle et enjouée.
A Aix, une rétrospective consacrée au cinéaste Jean Renoir offre l’occasion unique de s’aérer l’esprit au contact d’une œuvre charnelle et enjouée.
A l’heure où les industriels de toutes sortes nous rebattent gentiment les oreilles avec les « grands films populaires » qui ont de tout temps fait la légende de notre bon vieux cinéma français mais qui, sauf éclatantes exceptions (les récents Quatre etoiles et OSS 117), riment plus souvent avec « populacier » qu’autre chose, le critique printanier est heureux d’exhorter les foules à se rendre à Aix, non pour y contempler les cerisiers en fleurs, mais bien pour se (re)plonger dans l’œuvre limpide d’un des plus grands cinéastes français : Jean Renoir. En cette saison agitée où la sève monte, l’Institut de l’Image a en effet la judicieuse idée de nous proposer un parcours dans l’œuvre très sensuelle de l’auteur de La Grande Illusion, à travers dix films majeurs ou peu diffusés. Car, même si les cinéphiles de tous bords ont souvent tendance à l’oublier, Renoir reste un cinéaste d’une modernité et d’une sensibilité réjouissante. Son œuvre semble régie par ce principe de plaisir et de créativité ludique qui est la marque d’un cinéma à la fois décomplexé et maîtrisé. Renoir filme les corps, qu’ils soient sociaux ou physiques, avec une sensualité profondément humaine. Il y a ainsi dans des films comme La Bête Humaine ou La Chienne quelque chose d’urgent, d’imprécis, voire de sauvage qui dépasse le réalisme social dans lequel ils sont censés s’inscrire. Longtemps on a voulu chercher dans la sentence édictée par Renoir lui-même dans La Règle du Jeu (« Tout le monde a ses raisons ») une doctrine de principe applicable à l’œuvre entière sans exception. Regrettable erreur : la beauté de ce jeu de massacre se situe justement dans sa faculté à subvertir le petit théâtre des vilenies en le soumettant aux dérèglements du corps, à ses débordements physiques et à ses mouvements libertaires. En s’accrochant à ces silhouettes difformes ou élégantes, ouvrières ou bourgeoises, c’est la chair de l’humanité qu’il dessine et qu’il sonde jusque dans ces plus bas instincts. On se laisse alors porter par l’air délicat d’une journée à la campagne (Le Déjeuner sur l’Herbe) ou l’enivrement d’un trajet en Inde (Le Fleuve). Emerveillement renouvelé d’un cinéma qui a la délicatesse de nous surprendre encore.
Romain Carlioz
Rétrospective Jean Renoir. Jusqu’au 13/06 à l’Institut de l’Image (Cité du Livre, Aix-en-Provence). Rens. 04 42 26 81 82