Les Rencontres //02 présentées du 14 au 21/04 dans divers lieux de la ville
Tous les hommes s’appellent Dusty
Le festival des Rencontres parallèles vient de clore sa deuxième édition. De la danse au théâtre, du jazz à la performance, la pluralité de ce festival place les auteurs dans des configurations singulières et rend le jeu des comparaisons obsolète.
Un moment de grâce et de légèreté avec la présence d’Inès Jacques et Eduardo Raon. Elle se tient debout dans une robe plissée de soie pourpre, les cheveux dessinés dans le souvenir d’une autre époque ; elle entame une conversation dans l’intimité d’un accent qui offre au français une suavité sans égal. Elle invite son partenaire à prononcer quelques mots, mais dans la blancheur de son costume de lin, il préfère choisir le silence et la pose de l’artiste, nous renvoyant aux attitudes d’Errol Flynn. Inès Jacques et Eduardo Raon jouent le rôle du duo qui se connaît depuis trop longtemps et transforment la scène en un intérieur proche de la chambre à coucher, là où se disent les choses les plus secrètes. Par sa voix haut perchée, elle habite l’espace dans une infinie douceur et une sensualité à nous renverser. Par son mutisme et son doigté, il ressuscite la modernité de la harpe dans des élans proches du cinéma. Entre la reprise et la composition, entre le one man show et la pose, Elle n’est pas française, il n’est pas espagnol (Ela nao e francesa ele nao e espanhol en V.O.) nous touche à la manière d’une première fois. Une envie de monter sur scène et de les embrasser dans la discrétion d’une confession.
Dans un tout autre registre, le texte de Charles-Eric Petit, La chambre de Sue Ellen (voir photo), nous emmène de l’autre côté du mur, à la rencontre d’une femme sans âge, là où le corps porte la jeunesse d’une silhouette et la voix d’une identité marquée. Par le prisme de l’alcool, les mots courent sur un phrasé mélancolique et interrogent les angoisses d’une femme sur la question de l’homme. Elle semble se délecter de ces instants où, seule dans l’intimité de son intérieur, elle s’autorise à divaguer sur tous les possibles. Elle étire le temps du confort et de la chaleur d’un peignoir pour mieux comprendre ce qui ne va plus, ce qui serait possible et ce qui n’a jamais existé. La complexité de l’âme se perd et se retrouve dans un même instant, dans le jeu de la divagation, seule à l’écart de tout jugement. En plaçant le spectateur de l’autre côté d’une baie vitrée où l’acoustique lui est restituée par un casque, la compagnie L’Individu transforme ce que l’on ne peut atteindre en une vision de l’ordre du rêve, un rapport voyeuriste où l’homme regarde, depuis le jardin, cette femme qu’il a longtemps désirée.
Karim Grandi-Baupain
Les Rencontres //02 étaient présentées du 14 au 21/04 dans divers lieux de la ville.