Les Rencontres à l’Echelle : jusqu’au 6/12 aux Bancs Publics
Rencontres au sommet
Faire des Rencontres à l’Echelle, c’est regarder depuis le sommet une vague d’artistes contemporains entre Marseille et Alger, ici et maintenant.
Pour sa cinquième édition, le festival de création contemporaine des Bancs Publics se resserre sur la relation Marseille-Alger et se dilate dans l’espace, déployant sa programmation du Gyptis à La Friche, en passant par le MuceM et les Archives départementales. Focaliser la programmation sur l’Algérie est ici l’occasion d’une création commune, offrant l’opportunité aux artistes français et algériens de se rencontrer et de s’interroger sur ce qui les émeut et sur ce qui les lie. Aussi bien militantes que poétiques, ces Rencontres-là nourrissent nos imaginaires respectifs et, surtout, les peuplent de formes et de sentiments nouveaux.
La première étape de la création « maison », Arrêt)(Terra, réunit quatre acteurs et deux témoins « vidéo-transportés », tissant le portrait subjectif d’une mémoire à partager. Nous faisant face, l’Algérien et les trois Français tentent d’imiter, simplement, l’égrainement de la semoule que leur enseigne le comédien Samir El Hakim. Scène quotidienne et exceptionnelle à la fois, elle dit (presque) tout de la relation algéro-française, permettant à nos imaginaires d’inverser les rôles historiques, le tout dans un jeu plein de finesse et de non-dits. Ainsi nourrie de témoignages, cette étape élabore un portrait riche d’idées et de ces détails qui donnent toute la saveur d’une mémoire dite collective. Reste à éviter l’écueil du trop plein d’informations et de la surexploitation de la vidéo, qui risque d’écraser la situation théâtrale, au demeurant fort prometteuse.
Dans un autre domaine, les déserts fertiles d’Inland ont profondément ému un public nombreux et hétéroclite, faisant renouer le théâtre Gyptis avec ses premières fonctions de cinéma de quartier. Dans le film de Tariq Tegui, de longs et lents plans créent, à la manière d’un Tarkovski ou d’un Bela Tarr, une œuvre d’art rare et précieuse, qu’il sera encore possible de voir lors du festival Cinéma(s) d’Algérie proposé par Aflam.
Le festival se poursuit notamment avec la très rare exposition au MuceM des images d’Algérie de Pierre Bourdieu, mais surtout par une étonnante performance de Nicolas Gerber qui, grâce au concours de boulangers algérois, a fait migrer vers Marseille des documents cachés dans du pain, afin de restituer la « boîte noire » de leur périple lors d’une improvisation « documentaire » : Le Lare, à déguster de toutes nos oreilles.
La manifestation sera aussi l’occasion pour la danseuse Balkis Moutashar de mettre en scène des performers marseillais (notamment Robin de Courcy) et un Algérien encore inconnu d’eux pour explorer leur rencontre dans ses antagonismes et ses bizarreries. Enfin, on pourra fantasmer sur la mer(e) dans une fiction poétique réunissant le talentueux écrivain algérois Mustapha Benfodil, le comédien Samir El Hakim et le chorégraphe Thierry Thieû Niang.
La passerelle créée lors de ces Rencontres promet décidément de biens beaux chemins de traverse.
Texte : Joanna Selvides
Photo : Images d’Algérie de Pierre Bourdieu
Les Rencontres à l’Echelle : jusqu’au 6/12 aux Bancs Publics, à la Friche la Belle de Mai, au MUCEM et aux Archives départementales (voir programmation détaillée dans les agendas). Rens. 04 91 64 60 00 / http://lesrencontresalechelle.com