Les exilés
Les rencontres Abya Yala s’invitent pour la seconde année sur les écrans régionaux, explorant les combats trop peu relayés des populations indigènes d’Amérique du Nord et du Sud. Une invitation au voyage humaniste et ludique, profondément vitale.
Ce que propose la structure marseillaise Apatapela n’est pas le schéma mécanique d’un énième festival qui surferait sur l’attraction évidente que les luttes sud-américaines déclenchent sur le public européen. Elle ne laisse pas à voir, elle offre à vivre. Vivre une aventure unique, humaine, rare et riche d’enseignements. Cette liberté de ton entraîne l’équipe organisatrice à bâtir cet événement au gré des rencontres, des envies, des films, des invités. D’où une seconde édition en de nombreux points différente de la précédente, mais toujours mue par le plaisir de faire partager le parcours d’hommes et de femmes en quête de leur identité, en lutte contre l’oubli, souvent victimes de l’uniformisation globalisée imposée par ce nouvel ordre mondial dévoué à la finance et aux chantres du tout marchand. Et c’est bien la raison pour laquelle, à l’instar de l’actualité dans les pays arabes, ce combat est aussi le nôtre, qu’il soit inuit, quechua, mapuche ou shuar. Un combat dont Apatapela s’est depuis longtemps fait l’écho dans la région, à travers un florilège de rencontres passionnantes, en compagnie de cinéastes sud et nord-américains d’origine indienne, travail qui reste absolument unique en France. Les rencontres Abya Yala, autre nom donné aux deux continents par les Amérindiens eux-mêmes, deviennent ainsi le point d’orgue de cette activité fourmillante. Malgré son implantation dans la cité phocéenne, Apatapela a décidé cette année de rayonner aux quatre coins du pays. Outre la région — Marseille, Forcalquier, Avignon —, le public toulousain, montpelliérain et parisien pourra également découvrir une programmation inédite, présentée par une poignée de réalisateurs ayant pour l’occasion traversé l’Atlantique. A commencer par Tiokasin Ghosthorse, Sioux du Dakota du Sud, figure emblématique depuis son plus jeune âge de la lutte indienne en Amérique du Nord et rescapé du « règne de la terreur », qui visait, dans les années 70, à « tuer l’Indien et sauver l’homme ». Ce leader du développement de la pensée indienne viendra présenter plusieurs projections et nous sensibiliser sur le besoin vital de l’humanité à retrouver un lien privilégié avec ce qui l’entoure. A ses côtés, Nemnemiss McKenzie enrichira les débats de la précédente édition concernant les luttes des peuples innus, rattachés au Canada. Nous y avions découvert en effet l’excellent travail du Wapikoni Mobile, association de cinéastes et médiateurs parcourant les terres du nord de l’Amérique, se faisant l’écho du quotidien de communautés ancestrales. La réalisatrice, ancienne enseignante, approfondira ainsi le travail réalisé par les nombreux bénévoles qui constituent le cœur du Wapikoni Mobile. Plus au sud, c’est Martha Brandt, péruvienne, et Julian Flarrea Arias, argentin, qui se chargeront de présenter respectivement Coca Zero et Porque murio Bosco Wisum, deux de la douzaine d’œuvres programmées lors de cette nouvelle édition d’Abya Yala, événement incontournable du mois de mars.
Emmanuel Vigne
Du 13 au 23/03 en France et notamment du 21 au 23/03 au Cinéma Variétés (37 Rue Vincent Scotto, 1er) et à la Maison de la Région (61, La Canebière, 1er). Rens. 04 91 90 89 21