Alan Moore

Les Rencontres du 9e Art

Super hérauts

 

Qui a dit que la qualité résidait dans la rareté ? Avec pas moins de treize expositions, les Rencontres du 9e Art tendent à prouver le contraire… Suite et fin de notre exploration aixoise : focus sur l’œuvre du magicien Alan Moore, dérive dans le monde vaudou de Cristelle Enault et tombée en enfer avec Frédéric Voisin.

 

Alan Moore

Alan MooreL’exposition phare sur Alan Moore, tête d’affiche de cette onzième édition des Rencontres du 9e Art, offre une scénographie bien pensée et minutieuse, qui plonge le visiteur dans l’antre du scénariste. Accueilli par une secrétaire en tailleur des années 70, on entend la voix d’Alan Moore se distiller dans une cacophonie envoûtante, invitation au cœur d’un imaginaire bouillonnant.
« La manipulation des images a pour but de changer les consciences. » En chaman décomplexé, il envahit notre esprit à travers des vidéos évoquant la magie de l’art. Le génie est là. Alan Moore n’est pas un simple scénariste de talent (on lui doit From Hell, V pour Vendetta ou encore Watchmen), il a l’ambition de connecter la bande dessinée à la société en proposant une critique acerbe de l’être humain. Le visiteur comprend rapidement l’importance de la signification, dépassant la simple idée « des bagarres de super slips ». L’intrigue fantastique n’est crédible que lorsqu’on y intègre des préoccupations sociales, environnementales et humaines…
L’exposition rend alors hommage aux collaborations multiples du scénariste, révélant la richesse de son univers, mais aussi le talent des dessinateurs Dave Gibbons, Jim Lee ou encore Rick Veitch.
La deuxième partie de l’exposition est axée sur la fascination d’Alan Moore pour le crime. Il ne s’agit pas ici de chercher des justifications à l’acte, mais bien de poser les faits successifs comme un tout plus passionnant que la découverte de l’identité même du meurtrier. Le visiteur redécouvre From Hell comme un documentaire BD, qui inscrit le récit dans une dimension à la fois politique, géographique, historique et mythologique.
Les installations visuelles, palettes de bois et murs d’affiches déchirées de la dernière partie de l’exposition finissent d’inciter le visiteur à relire les chefs-d’œuvre de Moore, dystopies abordant une réalité hélas toujours d’actualité.

EL

> Jusqu’au 10/05 à la galerie Zola (Cité du livre, 8-10 rue des Allumettes, Aix-en-Provence).
Rens. : 04 42 91 98 88 / www.citedulivre-aix.com

 

Christelle Enault – Doux Voodoo

Christelle Enault - Doux vaudouLa méticuleuse et déroutante exposition de Christelle Enault peut déconcerter par sa petitesse, mais ce serait faire fi du travail titanesque de dentelle papier dans lequel l’érotisme se pare de délicatesse. Formes pulpeuses, dédales de jambes interminables, talons aiguilles dégoulinants, superpositions de langues pulpeuses… : les adjectifs viennent à manquer tellement l’imagerie dérange, plaçant le visiteur en voyeur naïf. Christelle Enault questionne la sexualité de la femme, du plaisir solitaire à la maternité, dévoilant, au fur et à mesure de ses constructions découpées en trois dimensions, un propos maniaque et provocateur. La femme au centre de chacune des œuvres de l’artiste est maître de son corps, mais subit les pressions sociales d’un monde patriarcal. Et pourtant, elle ne baisse pas les bras… C’est d’ailleurs en plongeant sa main au cœur d’une installation que le visiteur comprendra peut-être un peu mieux l’artiste. Des images sont projetées sur la paume, un œil se transforme en un sexe féminin puis masculin… Le voyeurisme incité par cette installation donne un peu de pouvoir au toucher. L’exposition bouscule, embarrasse et incite le visiteur à s’interroger sur la sexualité féminine, qui n’est ici reliée ni à l’amour, ni à l’homme.

EL

> Jusqu’au 26/04 à la Galerie Vincent Bercker (10 rue Matheron, Aix-en-Provence).
Rens. : 04 42 21 46 84 / 06 10 25 83 88 / vbercker@yahoo.fr

Pour en (sa)voir plus :
www.flickr.com/photos/christelleenault

 

Frédéric Voisin

Frédéric VoisinL’homme serait le seul être conscient de sa mort… Quel cadeau ! L’incertitude plane autour de la fin de l’existence, et même du monde. Le questionnement sur la persistance de l’âme, la résurrection, le paradis, l’enfer sont certainement les thématiques les plus illustrées dans le monde de l’art… Alors quel intérêt  peut bien présenter une nouvelle exposition sur l’apocalypse ? Mais voilà que Frédéric Voisin, en maître de la linogravure, nous offre sa vision de la fin : un délice visuel. Malgré la lourdeur des trop nombreux (et néanmoins très intéressants) textes relatant les étapes de l’Apocalypse selon Saint Jean, la vigueur de l’œuvre de l’artiste est clairement mise en valeur au sein d’une installation rappelant l’entrée des trains fantômes. Entre calaveras mexicaines et déesses mythologiques, le visiteur sera dérouté par une étape de l’illustration très peu abordée : la mise en couleur. La scénographie démontre l’importance du choix des couleurs et la minutie du travail, dévoilant de nouvelles perspectives. En effet, côte à côte s’exposent travaux en noir et blanc et en couleurs. Le dessin se révèle dans les nuances tandis que le blanc sur noir met en valeur la gravure sur linoléum, offrant au dessin une texture inhabituelle. Le fantastique se mêle harmonieusement à une iconographie ethnique, le lugubre s’empare délicatement du visiteur, comme une tentation démoniaque à laquelle il est si difficile de résister. Frédéric Voisin présente également un tout autre travail, non moins dénué de sens, sur les monstres et les extra-terrestres, un imaginaire clairement influencé par les cartoons des années 50 à 70, notamment les dessins de Basil Wolverton. Une série de cartes placent le Martien comme un être tendre, loufoque, dont il faudrait pourtant se méfier. Entre délire envahissant et memento mori cuisant, le visiteur ne mourra pas d’ennui.

EL

Jusqu’au 17/05 au Musée des Tapisseries (Place des Martyrs de la Résistance, Aix-en-Provence).
Rens. : 04 42 23 09 91

Pour en (sa)voir plus : www.frederic-voisin-apocalypse.net/