Les statuts de la Liberté

Les statuts de la Liberté

Certains s’y accrochent comme à une dernière lueur d’espoir, d’autres en font (à tort) la marotte du libéralisme triomphant, tous la chérissent comme Rousseau et Aragon en leurs temps. Mais qu’est-ce que la liberté au juste ? Et quelle valeur peut-on lui prêter aujourd’hui ? (lire la suite)

Certains s’y accrochent comme à une dernière lueur d’espoir, d’autres en font (à tort) la marotte du libéralisme triomphant, tous la chérissent comme Rousseau et Aragon en leurs temps. Mais qu’est-ce que la liberté au juste ? Et quelle valeur peut-on lui prêter aujourd’hui ? En des temps toujours plus troublés, et alors que la Ligue des Droits de l’Homme s’apprête à la fêter ce week-end à Vitrolles (tout un symbole !)[1], la question se pose en effet. Comment le pays qui prétend l’exporter around the world (avec les conséquences que l’on sait) peut-il mener l’une des politiques les plus liberticides au monde ? Pour ce pays-là, la liberté n’est pas un idéal, c’est un prétexte. A gagner des élections. A gagner toujours plus de fric. A guerroyer. Dans ce pays-là, la liberté se dit[2], se brandit même, tel un étendard, mais elle n’existe pas vraiment. Parce que ce pays-là applique la logique libérale à la lettre : la liberté comme unique fondement de la démocratie, précepte que l’on pourrait résumer par « Chacun pour soi et Dieu pour tous ! » Ou encore, pour citer le regretté Jean Yanne, « Les Hommes naissent libres et égaux en droit. Après, ils se démerdent. » Car, enfin, comment être libre quand on n’a pas les mêmes chances au départ ? Comment se sentir libre dans un pays où l’on ne peut pas fumer, circuler, avorter ? Mais que l’on ne s’y trompe pas. On a beau se moquer des Etats-Unis, voire de l’Italie[3], la France n’a plus à s’enorgueillir de sa « qualité » de « pays des droits de l’homme ». Quand Sarko balance son « immigration choisie » à la gueule des Africains, il ne fait rien d’autre que marcher sur les plates-bandes de son « ami américain », avec tous les sales relents racistes, pour ne pas dire esclavagistes, que cela comporte. Et que dire de cette fameuse liberté de la presse, dont on sait depuis longtemps qu’elle n’est qu’un leurre dans un semblant de démocratie ? « Quand la vérité n’est pas libre, la liberté n’est pas vraie. » S’il y en a bien un qui doit méditer cette phrase de Prévert, c’est Denis Robert. Lui connaît le vrai prix de la liberté. Parti de Libé où il n’avait pas tout loisir de s’exprimer, attaqué en justice, menacé de mort, ce vaillant journaliste — peut-être l’un des derniers que l’on peut qualifier ainsi — avait, bien avant tout le monde, dénoncé le scandale de l’affaire Clearstream[4], celui auquel personne n’a toujours rien compris et dont la pathétique guerre interne à l’UMP n’est qu’un épiphénomène. Une diabolique entreprise de « dissimulation » mettant en cause les institutions financières internationales. Une affaire d’Etat ? Assurément. Une affaire d’opinion aussi. Et de liberté.

Texte : CC
Photo : Karim Grandi-Baupain

Notes

[1] La Fête des Libertés : stands, expos, théâtre, débat avec le président de la LDH Jean-Pierre Dubois et le philosophe Etienne Balibar + concert des Têtes Raides, le 27 mai à Vitrolles (salle du Roucas). Rens. 06 87 92 31 97

[2] Pour son discours d’investiture, Bush a prononcé quarante et une fois son nom…

[3] Le clairement anti-berlusconien Caïman de Nanni Moretti vient d’ailleurs de sortir sur les écrans français (voir p.6)

[4] Il a écrit trois ouvrages à ce sujet, deux livres d’enquête, Révélations et La boîte noire (éd. Les Arènes), et un de fiction, La domination du monde (Julliard), étrangement peu relayés par la presse française, y compris depuis les remous qu’a provoqué l’affaire aux plus hauts sommets de l’Etat. Pour en savoir plus : http://ladominationdumonde.blogspot.com/