L’histoire de Richard O. – (France – 1h15) de Damien Odoul avec Mathieu Amalric, Ludmila Ruoso…
Evacuons d’emblée une idée d’apparence naïve mais qui contamine les esprits torturés de journalistes en mal de scandale : les scènes de sexe non simulées de L’histoire de Richard O ne sont pas une provocation…
Chair de poules
Evacuons d’emblée une idée d’apparence naïve mais qui contamine les esprits torturés de journalistes en mal de scandale : les scènes de sexe non simulées de L’histoire de Richard O ne sont pas une provocation. Il y a là au contraire quelque chose d’une nécessité esthétique. Réfléchissons cinq minutes, ça nous changera de ma mère — à moins que ce soit d’Henri Seard ? Les films qui tentent honnêtement de montrer quelque chose du désir, de sa naissance et de son éparpillement ne sont pas légion. Les réussites encore moins. Parce qu’il faut un minimum de folie pour se lancer dans un tel projet. Parce qu’il ne faut pas craindre de mettre en péril le corps de l’acteur et la chair même du film (les images, leur flux incessant) pour donner à voir une quelconque vérité. Au regard de ce bel enjeu cinématographique, on mesure alors combien le cinquième film de Damien Odoul est un objet passionnant. Si l’auteur du Souffle choisit d’écrire le désir au présent, les tribulations de Richard O et de son acolyte « quichottesque » sont bien mieux qu’une collection de scènes de cul plus ou moins bandantes. Le sexe n’est ici jamais traité comme un problème ou une équation qu’il faudrait à tout prix résoudre. Chaque rapport sexuel est filmé pour lui-même, débarrassé de ce qui traditionnellement le surcharge (histoire, politique, etc.). Pas une question de représentation donc, juste une décharge, hum, de plaisir à l’état pur. Plongé dans un flux d’images, de sons et de sensations contradictoires, épuisé jusqu’à la dernière goutte de sperme par un cinéaste-lutteur facétieux, Mathieu Amalric incarne avec une élégance sidérante le désir dans toute sa radicalité : baiser pour exister dans l’autre, baiser pour circuler entre les corps, baiser pour être avant de mourir. Car l’extase est éphémère et la chair loin d’être triste. Tour à tour grotesque, ludique ou violent, le plaisir selon Amalric/Odoul est un sport de combat, une quête incessante et belle justement parce qu’elle est un éternel recommencement. Un projet de cinéma sans doute. Un projet de vie, assurément.
Romain Carlioz