Libero – (Italie – 1h48) de Kim Rossi Stuart avec Alessandro Morace, Marta Nobili…
Présenté au dernier festival de Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs, Libero y a bénéficié d’un très bon accueil des critiques et reçu le prix de la CICAE, association regroupant des exploitants de salles… (lire la suite)
Un nerf de famille
Présenté au dernier festival de Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs, Libero y a bénéficié d’un très bon accueil des critiques et reçu le prix de la CICAE, association regroupant des exploitants de salles Art et Essai européennes. Pour l’anecdote, le titre original, anche libero va bene (que l’on peut traduire par « libéro, ça me va aussi ») fait directement référence à une réplique du film où le jeune héros, Tommaso, onze ans, tente de convaincre son père de le laisser jouer au football alors que celui-ci souhaiterait le voir pratiquer un sport plus noble, la natation. Dommage que ce titre malicieux n’ait pas survécu à la dure loi de la distribution qui, pour mieux nous vendre le film, l’accole d’un titre passe-partout sans aucun rapport avec l’esprit d’origine.
Pour l’écriture de son premier film en tant que réalisateur, Kim Rossi Stuart, belle gueule ténébreuse aperçue récemment dans le très mauvais Romanzo criminale, s’est adjoint les services de Linda Ferri, la co-scénariste de Nanni Moretti sur La chambre du fils, que les drames familiaux semblent inspirer. Cela se traduit par une relative efficacité narrative mais aussi par une légère tendance à manipuler le spectateur, à l’émouvoir et, si possible, à tirer quelques larmes chez les plus sensibles.
Le film exhale un parfum de nostalgie et, plutôt que de s’inscrire dans la lignée du cinéma populaire italien des années 70, celui de Luigi Comencini ou d’Ettore Scola, nous replonge étrangement dans le cinéma français de la même époque. Le thème, celui de l’enfance et de ses douleurs, qu’elles soient grandes ou petites, évoque immanquablement Truffaut, surtout celui de L’Argent de poche. Quant au traitement, constitué de longues séquences qui vont jusqu’au bout des affrontements entre les personnages, il n’est pas sans rappeler un certain Maurice Pialat. On peut regretter cependant que le réalisateur s’intéresse surtout à la relation père/fils et que les personnages féminins ne soient, du même coup, qu’à peine esquissés. Ainsi, Viola, la sœur de Tommaso se résume à une adolescente délurée alors que la mère, Stefania, dont la fragilité sincère interpelle, brille surtout par ses absences et demeure au final un mystère.
L’originalité du film vient entre autres de la volonté délibérée du réalisateur de ne pas opter pour un genre particulier et de naviguer habilement, sur le fil, entre comédie et tragédie, au risque de décontenancer parfois le spectateur. En choisissant également de nous présenter l’histoire du point de vue de l’enfant, le réalisateur opte pour un traitement qui favorise les expériences sensorielles aux expériences mentales. Les parents sont aussi des êtres fragiles, ce que ne peut concevoir un enfant dans son imaginaire. Kim Rossi Stuart de fait ne se ménage pas : Si Renato est un adulte imparfait, un homme en colère contre le monde et sa vie, capable de péter les plombs avec une violence parfois inquiétante, c’est également un bon père qui affronte courageusement, et souvent seul, les difficultés quotidiennes. Libero est au final un film appliqué, attachant et globalement sympathique qui, sans révolutionner le genre, celui de la famille en crise, a le mérite de redonner un peu de vigueur à un cinéma transalpin moribond depuis plus de vingt ans.
Bertrand Epitalon