Liberté d'expression : Déclarer sa flamme, certes, mais pourquoi donc ?
Déclarer sa flamme, certes, mais pourquoi donc ?
Ah, les premiers flirts, les premiers baisers, les premiers amours, les premiers chagrins, les premiers râteaux, bref, les premiers émois… Que de souvenirs mémorables où les moindres regards, effleurements ou sourires (même avec un appareil dentaire) pouvaient nous transporter instantanément, tels des Spock de l’amour, sur ce petit nuage où Cupidon avait élu domicile. Epoque bénie, s’il en est, à peine gâchée, rétrospectivement, par le play-boy de service qui ravissait toujours le cœur de la bombe de l’école ; celle-là même avec qui nous projetions d’échanger Dragibus et salive… C’est donc à cette même époque que j’entrepris de faire ma première déclaration — celle des impôts viendrait plus tard. Du haut de mes treize ans et de mon mètre douze, je convoitai alors mon premier grand amour. Désorienté, hagard, soucieux, en un mot amoureux, je décidai de prendre les choses en main, si j’ose dire, et de demander conseil à mes sœurs, plus au fait, de par leur maturité, quant à celles de l’amour. Voilà comment je découvris cette incandescente déclaration qui me laissa dans un premier temps perplexe, pensant benoîtement qu’il me fallait aller à la mairie déclarer ma flamme comme on déclare une naissance ou un véhicule, alors qu’il était en fait question de dévoiler ses sentiments, ladite flamme, à une jeune femme, comme l’entendaient les héros romantiques du milieu du XIXe siècle qui s’épanchaient sur un bout de papier éclairés à la bougie… Pour la petite histoire, à défaut de bougie — j’aimais trop ma lampe de poche offerte par Pif gadget — et de flamme réciproque, je tins pendant longtemps encore la chandelle, ce qui m’évita d’en voir trop souvent trente-six et de me jeter trop rapidement dans les feux de l’amour. Dangereux pour la santé, il est vrai, mais à consumer sans modération.
Henri Seard