L’Imaginarium du Docteur Parnassius – (France/Canada – 2h02) de Terry Gilliam avec Christopher Plummer, Heath Ledger…
Miroir, mon beau miroir…
L’Imaginarium du Docteur Parnassus traduit bien l’évolution du travail de Terry Gilliam, qui distille au fil de ses œuvres fantasmagoriques une critique sous-jacente de notre société, parfois à la dérive. Voici donc l’immortel Docteur Parnassus qui trimballe sa troupe de théâtre ambulante dans les rues londoniennes au charme victorien toujours actuel. Le malheur guette pourtant cette compagnie puisque le bon Docteur ne peut s’empêcher de parier avec le diable au fil des siècles et que sa propre fille en devient l’enjeu principal. Le film est d’abord une commémoration d’œuvres précédentes, des costumes évoquant Les Frères Grimm ou Le Baron de Münchausen au travail sur le rêve déjà exploré dans L’armée des douze singes ou Las Vegas Parano. C’est ensuite un casting génial, entre la réhabilitation d’un acteur sous-exploité (Christopher Plummer) et l’utilisation à contre-courant d’un chanteur (Tom Waits) et d’une mannequin (Lily Cole). Le spectacle proposé par le Docteur Parnassus est bien inoubliable. Il permet d’entrer dans son imagination, au sens propre, en traversant simplement un miroir. Quoi de mieux alors que des effets spéciaux foisonnants, à grands renforts d’images de synthèse et de mouvements vertigineux de caméra, pour coller au champ illimité de l’inconscient mais aussi à notre impuissance à le contrôler ? Terry Gilliam en profite pour se jouer de l’image « glamour » de certains acteurs anglo-saxons aujourd’hui (Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell) en les faisant représenter l’idéal de rêves féminins. Au-delà, les rêves ne pouvant être reprochés à personne, toute critique sévère de notre société actuelle y est autorisée. Les soirées fastueuses de certaines fondations caritatives, bien éloignées de la noblesse de leur mission, sont allègrement dénoncées, tout comme l’exploitation financière malhonnête dont elles peuvent faire preuve. Alors certes, le spectateur est parfois un peu oublié sur la route du fait d’une narration inachevée, mais il sortira avec une envie furieuse de rencontrer le marchand de sable.
Guillaume Arias