L’immédiat était présenté du 13 au 23/10 au Théâtre du Merlan
C’est Lamerboitel qui a perdu la tête
Réfugié onirique du théâtre du Merlan depuis bientôt cinq ans, Camille Boitel désarticule les « fragiles acrobates » de sa compagnie, Lamerboitel. A la frontière entre théâtre physique, performance et cirque, sa dernière création, L’immédiat, s’attache à tout ce qui se détache du contrôle humain, à la recherche du temps présent.
Ça commence déjà par une ampoule qui grille et par un objet qui dégringole. Chez Lamerboitel, c’est pas très bien rangé, ça n’en finit plus de s’effondrer, ça s’effrite comme un château de sable… C’est un vaste chantier, celui de la vie. On penche un peu le monde, on renverse l’attraction terrestre et on saupoudre cet univers singulier de quelques objets patinés, vestiges des trottoirs marseillais. Dans ce monde précaire, on introduit quelques illuminés, à peine sortis de leurs songes éveillés et on observe avec le cœur, jusqu’à en avoir le mal de mer. Entre deux numéros, on fait place nette. Et hop, d’un grand coup de balai, ce joyeux bordel disparaît ! Et nous de nous prendre en pleine gueule une belle évocation du coup de Karcher recouvert du miel « eurome(r)ditérrannée » qui pèse sur notre belle cité phocéenne et qui fera petit à petit du Marseille populo un Marseille « pro-poulet ». Avec sa troupe « boiteuse », sorte de compagnie du Hanneton (avec laquelle Camille Boitel a d’ailleurs travaillé) version Emmaüs, celui qu’on appelle « le fragile acrobate » affirme une poésie née d’un théâtre pauvre qui fait la part belle aux rêveurs. L’immédiat nous dévoile le quotidien d’une femme qui ne cesse de vouloir toucher les étoiles, d’un homme bancal ou d’un autre qui fait tanguer les objets. La structure poétique du spectacle leur permet de vivre (ou de subir) un quotidien qui, à l’heure actuelle, ne tend qu’à les liquider. Sale temps pour les rêveurs, comme le constatent de plus en plus les artistes. Alors, en espérant que ces boiteux-là dansent encore longtemps leurs rondes effrontées, on saluera la dynamique d’investissement de l’espace public que Camille Boitel poursuit avec son équipe à Marseille depuis quelques années.
Coliné Trouvé
L’immédiat était présenté du 13 au 23/10 au Théâtre du Merlan