La sortie de We Luv New York, album hommage à la Grosse Pomme composé aux côtés de Faf Larage, est l’occasion de rendre compte du chemin parcouru, du présent et de l’avenir d’un des piliers du rap hexagonal…
Vingt ans après De la planète Mars, quelle est la vie d’Akhenaton ?
Ma vie est séparée entre les trajets pour emmener mes enfants à l’école, le studio toute la journée et les soirs et week-ends en famille.
Comment décrirais-tu ta carrière ?
Je n’ai pas eu assez de recul sur ce que je fais et comme je suis tout le temps porté vers le futur, je n’ai pas trop le temps de me retourner. Ce qui est sûr, c’est que si on me proposait à dix-huit ans un parcours similaire, je signerais de suite.
Et si c’était à refaire ?
Ce serait la même chose.
Qu’est-ce qui a changé dans ta façon d’écrire ? Dans le choix des thèmes ?
Dans le choix des thèmes, ce qui change, c’est qu’en prenant de l’âge, on n’aborde pas la vie de la même manière, donc sur vingt-cinq ans d’écriture, les thèmes sont obligatoirement différents.
Quelle est ta vision du rap aujourd’hui?
Le rap est devenu une musique extrêmement large, et la vision que j’en ai est limitée aux seuls groupes américains que j’écoute. Et il continue à se faire en France comme aux Etats-Unis un rap de qualité.
Les enjeux sociaux et artistiques de cette musique sont-ils les mêmes qu’il y a vingt ans ?
Le marché généré par cette musique étant devenu énorme, les enjeux artistiques ne sont plus les mêmes pour la majorité de ses acteurs. En ce qui concerne les enjeux sociaux, les personnes présentes dans le rap sont à l’image de la société : variées.
Comment vois-tu l’avenir de cette musique ?
Je pense qu’elle va continuer à exister, mais sous des formes tellement différentes que les personnes qui en écoutent devront de plus en plus chercher ce qui leur correspond.
We Luv New York nous replonge dans le rap américain des 80/90’s. Est-ce parce que tu t’ennuies en écoutant les récentes sorties hip-hop ?
Non, puisque je continue à écouter du rap américain en 2011, et quand on entend les albums de Nottz, Oh No, Alchemist, Talib Kweli et bien d’autres, il est difficile de s’ennuyer.
De quels artistes te sens-tu proche aujourd’hui ?
Sûrement de Talib Kweli, de Little Brother et toute la Justus League.
Tu portes Marseille dans le cœur… Quel est ton point de vue sur Marseille Provence 2013 Capitale européenne de la Culture ?
On fera ce que l’on doit faire avec IAM… A Aix, au Grand Théâtre de Provence, malheureusement, rien de précis sur Marseille. Cette ville ne regagnera pas ses lettres de noblesses au niveau du rap tant qu’il n’y aura pas un lieu décent pour accueillir cette musique, aussi bien pour des concerts, des battles de breakdance, des expositions que pour des soirées micro ouvert où les MC’s en herbe progressent.
Comment perçois-tu ce que l’on appelle le “tissu culturel marseillais” ? Crois-tu en son potentiel ?
A vrai dire, je n’ai que très peu de contacts avec ce que tu appelles « le tissu culturel marseillais ».
Les médias t’ont souvent sollicité pour ta clairvoyance en matière politique. Au lendemain des cantonales, l’occasion est trop belle pour que Ventilo ne t’interroge pas à ce sujet… Au vu du fort taux d’abstention, penses-tu qu’il est nécessaire de redonner aux Français le goût du politique ? Et si oui, comment s’y prendre ?
Je ne saurais pas comment m’y prendre pour redonner le goût de voter aux Français, si ce n’est de dire que dans nombre de nos villes, ça pue la botte en cuir et le bras levé.
A l’international, maintenant… Quel est ton point de vue sur l’intervention des forces françaises en Lybie ?
C’est un sujet très délicat, j’espère juste que nous ne sommes pas intervenus au milieu d’une guerre tribale et que le pétrole lybien n’est pas le motif réel de cette intervention.
Penses-tu qu’un nouvel ordre mondial est en train de se dessiner ?
Il n’est pas en train de se dessiner, il existe depuis la nuit des temps. Il change juste de forme.
Des projets (musicaux et personnels) ?
On a entamé le travail sur un prochain album concept avec IAM. Et nous devons créer pour 2013 le spectacle au Grand Théâtre de Provence à Aix.
Propos recueillis par Jordan Saïsset
Akhenaton & Faf Larage – We Luv New York (Me Label)
En concert le 9/04 à L’Affranchi (212 Bd de St Marcel, 11e). Rens. 08 99 02 89 28 / http://www.l-affranchi.com
Akhenaton : la rétro en trois chansons
Éclater un type des assedic (Métèque et Mat / 1995)
La chanson la moins sérieuse de son premier album solo est aussi l’une des plus percutantes. Il nous fait partager son vécu d’intermittent et sa relation pour le moins tumultueuse avec ces « bons » vieux Assedic. Entre cauchemar obsessionnel et fantasme jouissif, un morceau à rattacher à ces perles humoristiques et politiquement incorrectes d’IAM que sont Achevez-les et Attentat (un et deux). AKH met le doigt sur des choses et le poing dans des gueules.
Pousse au milieu des cactus, ma rancœur (Sad Hill / 1998)
Remarquable introspection de Sentenza, l’avatar tout droit sorti du célèbre Le Bon, la Brute et le Truand. AKH revêt les habits de ce personnage solitaire, loyal et ambitieux. Il fait ainsi la guerre aux préjugés et en profite pour régler ses comptes avec les « amis » qui lui ont tourné le dos, ces jaloux qui pensent avoir été trompés. Toujours à travers le regard du cowboy au cœur de pierre, il développe une analyse épineuse sur son propre passé, dans cette « jungle des ogres ». Ce premier album produit par Kheops est une réussite, dont cette chanson est probablement le nerf central.
Sol Invictus (Sol Invictus / 2001)
Ce morceau est important car il symbolise à lui seul la scission opérée avec cet album éponyme dans la carrière du rapeur. Tout d’abord, il s’accomplit pleinement en tant que producteur et embarque sa MPC (sampler) vers des territoires plus sombres et synthétiques. Les thèmes évoqués sont différents, organisés de façon complexe, et oscillent entre science séculaire, géométrie, astronomie et évocations divines. Ayant survécu au bug de l’an 2000, le laboratoire 361 Records est opérationnel, une page se tourne pour AKH. Il est temps de plonger dans le passé pour décrypter l’avenir. C’est l’ère des transitions et des expériences.
JSa