L’interview Charles Berling
Ce week-end aura lieu à Toulon l’inauguration du Théatre Liberté, dirigé par Charles et Philippe Berling, dont la programmation éclectique laisse présager de belles heures. Tout comme les conceptions du comédien.
Même pour un acteur expérimenté, cette inauguration du théâtre sera sans doute une journée particulière… Comment l’abordez-vous ?
Je suis habitué aux premières mais là, c’est une première des premières ! La naissance d’un théâtre, c’est évidemment un évènement à la fois particulièrement heureux et, pour ceux qui l’organisent, une responsabilité énorme. On est très heureux et toute l’équipe est au taquet…
Allez-vous devoir donner une âme à ce lieu ou en avez-vous déjà senti une ?
L’essentiel d’un théâtre, c’est son identité, son âme, et elles doivent être, au fur et à mesure des années qui vont venir, profondément ancrées et inscrites dans cette ville et dans ce département que sont Toulon et le Var et, en même temps, être vraiment ouvertes sur la Méditerranée. La raison d’être du théâtre, c’est d’être un endroit où se croisent les émotions, les pensées, les plaisirs.
D’où la volonté prégnante de non seulement donner à voir et en entendre, mais aussi de donner la parole, en proposant un lieu très ouvert, dédié à la rencontre…
Exactement. Par exemple, pour faire écho à la pièce d’Eduardo de Filippo, L’art de la comédie, dans laquelle plusieurs personnages débattent (un préfet, un directeur de théâtre, un médecin…), j’animerai une conférence-débat qui sera mise en ligne. Elle réunira le préfet du Var, Jean-Pierre Vincent, directeur de troupe émérite, un médecin et un pharmacien de Toulon, deux paysans toulonnais, pour avoir, en vérité, le même débat que dans la pièce. C’est un exemple des thématiques et de l’implication qu’on veut donner au Toulonnais dans leur théâtre, qui doit être un endroit de liberté, d’échanges, voire de débats. Ce qui doit prédominer, c’est le désir des gens, l’authenticité, la volonté de communiquer et de faire de l’art.
Justement, est-ce que commencer la saison par cette pièce qui met en scène les rapports entre une troupe de théâtre et un préfet, c’est une façon de prendre ses distances avec le pouvoir et de rappeler que le théâtre sera, comme le disait Vilar, « dirigé du plateau » ?
Non, je ne cherche pas à marquer une distance ; il est de la responsabilité d’un directeur de théâtre d’avoir un vrai dialogue avec le pouvoir. La dénégation des gens qui sont au pouvoir et qui décident, c’est une mauvaise politique. On a un rapport fort avec eux, mais on doit absolument préserver une véritable indépendance artistique et, du coup, un rapport de confiance avec le public que l’on doit tous, à tous les niveaux, servir. Avec mon frère, à quatorze ans, on a commencé à côtoyer le service public ici, à Toulon, en commençant le théâtre au lycée puis en allant à Châteauvallon et, pour nous, ce n’est pas un vain mot. On y croit.
Quelles sont justement vos relations avec le CNC de Châteauvallon ?
Depuis un an, on travaille régulièrement avec Châteauvallon et ça se passe très bien. On va accélérer encore ce mouvement en vue d’une mutualisation des moyens de fonctionnement, tout en gardant nos identités propres. L’arrivée d’un nouveau-né dans une famille, ça provoque toujours des remous, mais aussi des joies et plaisirs… Et moi, j’ai toujours tendance à voir le verre à moitié plein.
On imagine que votre nouvelle fonction va s’avérer accaparante. Induit-elle un choix entre l’acteur et le directeur ?
J’ai toujours fait beaucoup de choses (livres, comédie, chansons…), donc c’est un fonctionnement que je connais bien. Et puis le fait de co-diriger le théâtre avec Philippe, grâce à notre complémentarité, permet que je n’abandonne rien. Il suffit que je m’arrange avec mes calendriers.
Quel regard portez-vous sur Marseille Provence 2013 ?
C’est une opportunité à saisir. Je sais qu’il y a quelques complications, c’est normal, mais ces grands évènements culturels doivent exister, ils sont générateurs de projets. On a envie d’y participer et on est d’ailleurs en train d’évoquer, en commun avec Châteauvallon, les moyens de le faire.
Propos recueillis par Frédéric Marty
Inauguration du Théâtre Liberté (Place de la Liberté, Toulon) : le 17 de 14h à 22h avec des spectacles, ateliers, visites guidées, concerts, installations numériques et feu d’artifice du Groupe F à 22h. Rens. 04 98 00 56 76 / www.theatre-liberte.fr