L’Interview - Cristiano Carpanini

L’Interview – Cristiano Carpanini

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A l’occasion de la quatorzième édition de Dansem, l’affable directeur de l’Officina revient avec nous sur la longue et passionnante aventure que sa structure mène à Marseille sur la création chorégraphique contemporaine en Méditerranée.

Cette année encore, Dansem va nous faire découvrir des danseurs et chorégraphes du bassin méditerranéen, marseillais, italiens, espagnols, mais aussi marocains, algériens ou encore égyptiens. Le festival offre-t-il un écho particulier au printemps arabe ?
Nous travaillons avec les artistes de ces pays depuis quatorze ans. Nous n’avons pas voulu surfer médiatiquement sur ces événements : l’engagement de l’Officina et de Dansem auprès de ces peuples existe depuis nos débuts. Nous travaillons depuis longtemps sur la question de la Méditerranée et nous avons rapidement noué des contacts avec des structures qui avaient les mêmes envies que nous, c’est-à-dire développer la circulation des œuvres, créer des plateformes pour soutenir ce qui se fait d’intéressant au niveau de la danse contemporaine en Méditerranée. Même si chaque pays a son propre contexte, sa propre histoire, nous pouvons dire que nous connaissions les situations en Tunisie, en Egypte, au Maroc, au Liban, en Syrie, mais aussi le conflit israélo-palestinien, parce que nous entretenions des relations sur place. De plus, nous avons collaboré étroitement avec la Tunisie et l’Egypte ces deux dernières années dans le cadre d’un projet qui s’appelle Miniatures, et que nous menons avec l’aide de la Commission européenne. Donc ma réponse à votre question est non, mais ce non tient compte du travail accompli.

Pouvez-vous expliquer les enjeux du projet Miniatures ?
Les Miniatures sont un véritable enjeu structurant pour nous. Ce projet débuté en 2008 est un peu notre « étendard » vis-à-vis de la question méditerranéenne, et ce, à l’aube d’une capitale européenne de la culture qui se demande encore comment tisser des liens… Depuis deux ans, des artistes égyptiens, tunisiens, français, espagnols et turcs collaborent autour des questions de l’altérité, de l’amour, de la relation à l’autre. Des thèmes basiques, universels, que chaque créateur peut s’approprier comme il veut avec le médium qu’il veut : photo, vidéo, etc. La seule contrainte est de concevoir « en miniature », c’est-à-dire dans le cadre de résidences de courte durée (une semaine). Ce dispositif se veut une clé pour activer une méthode de travail : le processus de création, tout ce qui est en amont et souvent imperceptible, me paraît souvent plus enrichissant que le résultat. Loving effects, le livre qui vient de paraître et recense ces travaux, arrive à embrasser des questions qui vont bien au-delà de la danse contemporaine, en prenant en compte la pensée des philosophes et d’anthropologues sur ce thème de l’altérité. Comment travailler avec l’autre ? Et comment proposer une programmation ouverte sur la Méditerranée ? Notre organisation est animée par ces questions. Nous n’avons pas la réponse, mais nous cherchons une approche plutôt horizontale. Même si nous sommes une structure qui bénéficie de plus d’aides publiques que d’autres en Méditerranée, nous n’avons pas les moyens d’acheter un produit fini : nous devons engager des collaborations, créer des ponts avec les artistes. En retour, nos partenaires nous offrent des espaces de visibilité, comme par exemple le Festival grec de Barcelone où nous avons présenté des Miniatures. La programmation annuelle de Dansem est seulement la partie visible de l’iceberg…

L’esprit qui anime Dansem et les Miniatures est assez proche de celui des Rencontres d’Averroès (voir ci-dessous). D’où votre collaboration ?
Je connais Thierry Fabre depuis 1993 et je suis allé le voir il y a deux ans pour lui proposer ce partenariat, parce qu’il me semblait que cela pouvait amener du sens. Les Rencontres d’Averroès ont un passé très riche, c’est l’endroit où se pense la relation des deux rives de la Méditerranée. Dansem est une action au sens fort. Je pense que Thierry Fabre nous envisage comme une action concrète de sa pensée en mouvement.
Du reste, tous les partenaires sont importants, il y a par exemple une vraie discussion avec les théâtres qui nous accompagnent ; je n’arrive jamais avec une proposition toute faite. Nous cherchons à ce que le théâtre s’inscrive vraiment à l’intérieur du projet, que l’Officina n’a pas vocation à mener seule. Le festival existe parce que les partenaires se sont fédérés de longue date. D’ailleurs, les artistes que nous programmons commencent à être connus, leurs noms circulent. Cette année, c’est entre autres Sabine de Viviès au Théâtre de Lenche, Jean-Jacques Sanchez et Rachid Ouramdane à la Minoterie, Barbara Sarreau à la Poissonnerie, Nacera Belaza et le groupe Coline au Merlan, Georges Appaix aux Bernardines, Virgilio Sieni au Merlan et à Arles… Certains des artistes que nous avons invités sont désormais soutenus par des théâtres, comme par exemple Taoufiq Izeddiou au Bois de l’Aune, à Aix. A travers la programmation de Dansem, nous cherchons à donner du goût au public, à le rapprocher d’une discipline qui cherche à renouveler son audience. Il faut réussir à créer quelque chose qui plaise, sans créer de mensonges… Nous voulons proposer un regard ouvert, pas une seule vérité mais une multiplicité de déclinaisons possibles.

Comment envisagez-vous le projet de Marseille Provence 2013 ? Quels projets allez-vous y développer ?
Ayant travaillé avec des artistes chorégraphiques du pourtour méditerranéen depuis 1998, notre désir était celui de rassembler autour de nous ceux (artistes et structures) avec qui nous avions parcouru un chemin et de le présenter au public à travers un projet qui, par son format,
permettrait d’inclure les artistes avec leurs différences esthétiques et leur singularité propre. Comme dans une photo de famille… Dansem est notre production majeure depuis 1998 et nous espérons pouvoir continuer à développer en réseau cette manifestation entièrement dédié aux créateurs de la Méditerranée. Nous souhaitons par ailleurs réunir tous les artistes des Miniatures à cette date.

Propos recueillis par Aubierge Desalme

Dansem : jusqu’au 9/12 à Marseille, Aix-en-Provence, Arles et Aubagne.
Rens. 04 91 55 68 06 / www.dansem.org / http://miniatures.officinae.fr/projet/