Disiz

L'interview : Disiz

Après une passe difficile, l’artiste renoue avec le rap via un opus au titre évocateur. Extra-Lucide a tout pour surprendre, conjuguant des instrumentaux pop/rock sans renier le bitume. Il est accompagné d’une pochette en forme de cœur : tout un symbole, comme une déclaration envers un public qui ne l’a pas oublié… Quelques heures avant son concert à l’Espace Julien, rencontre avec un Disiz blessé (à la cheville), soucieux d’être à la hauteur, et qui pète toujours les plombs… mais dans les bibliothèques.

 

Tu as récemment déclaré : « Extra-Lucide a été fait de sueur, d’amour, de risques, de briques et de broc (…) Ceux qui ont connu la période Disiz the End savent que je reviens de très loin, mais ce petit rêve que je polis depuis que je suis gosse ne m’a pas lâché. » Peux-tu nous en dire plus ?
On pourrait croire que tout va bien pour moi, et que j’ai vendu plein de disques, mais la vie d’artiste est plus complexe. Après le succès de mon premier album, j’ai refusé la facilité en refusant de faire un deuxième J’pète les plombs… En gros, j’avais le rôle du rappeur marrant, et ça m’agaçait. Je suis donc passé de 300 000 à 25 000 albums vendus, jusqu’à Disiz the End (cinquième album solo), qui raconte un peu la déconfiture d’un rêve. C’est tout de même assez traumatisant d’être pris pour un petit agneau parce que tu passes à la télé et que tu es souriant. Et avec ça, l’industrie du disque qui, lorsque ça marche moins, te jette comme un vieux kleenex. J’étais dans le creux de la vague mais je croyais encore à mon truc. J’ai traversé ça et suis remonté sur le ring comme un boxeur, avec mon équipe.

Pourquoi une aventure dans le rock, pour finalement revenir au rap ?
Je suis très inspiré par des gens comme Prince, The Falls ou les Clash. J’avais envie de mélanger ma musique avec quelque chose de plus rock, et plus électro. Ça m’a permis de prendre du recul par rapport au rap. Quant au symbole du cœur… On peut considérer le fait d’être gentil comme de la bouffonnerie, ou une faiblesse. C’est tout le contraire, surtout dans notre monde, empreint par le cynisme et le chaos. Je tiens à placer l’amour au centre de tout.

Peux-tu résumer Extra-Lucide en quelques mots ?
Clair-obscur, même si ça sonne pompeux. J’ai essayé de faire un album nuancé et subtil, entre des morceaux très lumineux, comme Life Is Good, et d’autres très sombres, à l’instar de Salauds de Pauvres. Il y a, entre ces deux titres, tout un panel d’intensités et de couleurs. J’évoque les relations sentimentales, la beauté des relations familiales ou amicales…

Dans une récente interview, tu parles de ton amour pour la langue française, et tu dis que ce sont des gens comme Akhenaton ou Solaar qui t’ont donné envie d’ouvrir un dictionnaire…
Le français est une langue diplomatique, très riche. Elle contient une grande variété de mots, renvoyant à une infinité d’émotions, d’états. Le choix est immense. Toutes ses nuances sont fantastiques.

Tu dis également soutenir la création de bibliothèques de banlieues…
C’est un véritable manque. Les étudiants qui viennent d’Ile-de-France ne partent pas avec les mêmes chances que ceux qui habitent à Paris. J’ai repris mes études il y a trois ans : pour aller à la bibliothèque — vu que les bibliothèques de ma ville, Evry, ferment à 18 ou 19h —, il fallait que j’aille à Paris (1h30 de trajet). Et, en plus, avec tous les autres étudiants, tu dois te taper la queue ! En tout, il s’écoule deux bonnes heures, voire plus, avant que tu puisses commencer à travailler. Au lieu de n’ouvrir que des stades et des maisons de quartier, ouvrez aussi des bibliothèques !

Ta relation avec la langue française semble très étroite, très importante dans ta vie…
La solution à beaucoup de problèmes me semble être la littérature. Lorsque tu lis, de la même manière que tu gonfles tes muscles, tu développes ton cerveau. Des neurolinguistes l’ont prouvé, je pense notamment à Noam Chomsky… La littérature peut participer au fait de s’en sortir.

Propos recueillis par Bénédicte Jouve

 

Disiz était en concert à l’Espace Julien le 1/12. Rens. www.disiz.fr