En l’espace d’un film, la fulgurance et la beauté de Hafsia Herzi ont conquis le cœur de la cinéphilie française. De retour à Marseille pour la sortie de Française (voir critique), la jeune actrice apparaît dans la vie comme à l’écran : rayonnante !
Tu reviens tout juste du festival de Cannes. Comment s’est passé cette première expérience ?
J’ai trouvé ça rigolo, j’étais pas stressée. Les paillettes, tout ça, c’est pas mon truc. Mais c’est marrant de mettre une robe de princesse, de défiler… J’y étais que deux jours, on m’a proposé de rester plus longtemps pour remettre un prix, mais j’ai refusé. Si j’avais un film en compétition, d’accord, mais là…
En fait les prix, tu préfères les recevoir ?
(rires) Bien sûr ! Non, en fait, je voulais rentrer à Marseille. Je viens ici voir ma maman dès que je peux, prendre de l’énergie avant de repartir.
C’est ici, à Marseille, que ta carrière a débuté ?
Oui, j’ai grandi à Marseille et tout le monde savait que je voulais faire du cinéma, dans le quartier, on m’appelait « l’actrice ». J’ai commencé par faire de la figuration, et un jour la directrice de casting de La graine et le mulet m’a appelée…
Avant cela, tu n’avais jamais pris de cours ?
Non.
Est-ce que tu as des modèles au cinéma, certaines actrices qui t’ont influencée ?
Non. Il ne faut pas de modèles, sinon tu as tendance à les copier. Ça ne m’empêche pas d’admirer le jeu de certaines actrices. Béatrice Dalle par exemple. J’aime bien sa présence, ce qu’elle dégage, le côté intrigant.
Parle-nous un peu de Française …
C’est un beau rôle, un beau scénario. Dans le film, la question de la France, c’est un prétexte pour mon personnage. Elle a souffert de cet arrachement, mais surtout elle se cherche. Profondément, elle n’est pas bien. Elle pose des questions et personne ne lui répond. Elle est révoltée, c’est une adolescente, un peu insolente, rebelle. Quand j’ai lu le scénario, c’est un personnage que je trouvais agaçant. Mais en voyant le film, je me dis que ça va…
Ça fait quoi de passer du statut d’actrice anonyme à celui de personnage principal qui, malgré son jeune âge, arrive à porter un film presque à elle seule ?
Ça ne change rien. Le cinéma, c’est ma passion. Moi, je n’ai pas changé. A chaque fois, c’est comme si je jouais pour la première fois. Il ne faut pas penser au passé quand on tourne, sinon on n’y arrive pas.
Entre Abdel Kechiche (1) et Souad El Bouhati (2), la direction d’acteur est-elle différente ?
Oui, c’est très différent… Mais en fait, il y a quelque chose qu’ils ne pourront jamais diriger, c’est mon jeu. Malgré les indications des réalisateurs, si je pense que ce n’est pas juste, je ne le fais pas. C’est mon jeu, mon image, je me suis toujours battue pour ça, même sur le film d’Abdel. Quand on me dit de jouer un truc ridicule, je ne le fais pas. Vous savez, les metteurs en scène peuvent aussi se tromper. Moi je ne me laisse pas faire, c’est moi qui apparaît à l’écran.
D’où te vient cette assurance, le fait d’affirmer avec autant d’autorité tes choix ?
Je pense que c’est important. Si j’ai en face de moi quelqu’un qui se trompe, je le dis, on en parle. C’est aussi le piège pour beaucoup d’acteurs, d’accepter tout ce qu’on leur dit.
Quels sont tes prochains projets ?
Je viens de tourner en Egypte un film sur la guerre d’Irak où je joue une jeune veuve. Et un autre avec Francis Huster. Il y a aussi deux projets pour cet été, mais les réalisateurs ne veulent pas trop qu’on en parle… Ce sont deux très beaux rôles, différents de ce que j’ai connu jusque-là.
Et avec Abdel Kechiche, une nouvelle collaboration est prévue ?
Oui, Les mille et une nuits. Les financements, c’est toujours très difficile à obtenir, mais avec Les César qu’on a eus en 2007 (3), je pense que ça se fera l’année prochaine.
Et des projets plus personnels ?
Oui, je vais réaliser un court-métrage ! Ça s’appelle Il me semble que je t’aime, c’est une histoire d’amour qui se passe dans les quartiers nord à Marseille. J’ai pas envie de prendre des acteurs professionnels. Ici il y a de très bons acteurs. Marseille est une ville d’acteurs, d’ailleurs toi (elle me regarde), je te sens une âme d’acteur (rires)… C’est vrai, ici on a le sens de l’improvisation, on arrive à s’adapter à beaucoup de situations, c’est ça qui est intéressant. En plus, ça change aussi de voir des vrais Marseillais au cinéma.
Propos recueillis par nas/im
Notes- Réalisateur de La graine et le mulet[↩]
- Réalisatrice de Française[↩]
- Quatre au total : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur espoir féminin et meilleur scénario original[↩]