Que ce soit avec son groupe d’indus/noise rock Kill The Thrill ou en solo, le guitariste et chanteur marseillais Nicolas Dick a su traverser le temps. Humble, il est le garant d’une musique planante qui témoigne d’un incroyable talent, hors norme et large d’esprit.
Commençons par les présentations…
Nicolas Dick, musicien. Je fais partie du groupe Kill The Khrill depuis 1989, qui a sorti quatre albums, dont le dernier en 2007… En 1995, j’ai commencé un projet solo, de l’improvisation dans un axe similaire à celui de KTT.
En 2009 paraissait Une belle journée, trois superbes pistes d’ambient immersives… Que s’est-il passé depuis ?
J’ai donné des concerts. J’ai aussi travaillé dans de nombreuses collaborations, théâtrales, musicales, littéraires (écriture). Je fais aussi de l’enregistrement et du mixage en studio pour divers groupes et musiciens.
Comment décrirais-tu ta musique ?
Elle est basée sur une construction improvisée de strates harmoniques autour de la guitare, de la voix et de l’accordéon. Dans KTT, nous avons toujours joué avec des machines, de façon très précise, mécanique. Là, c’est l’inverse : je pars de quelque chose d’intemporel, aléatoire, beaucoup plus introverti… et je me laisse porter. Sur scène, je pars de rien, il n’y a pas de séquences ou quoi que ce soit de préparé. Je suis en interaction avec ce qui se passe, en prêtant toujours une attention particulière à l’espace, à la profondeur, de façon très imagée.
Quelles sont tes techniques de composition ?
Il n’y a pas de composition. Je traite l’instrument et la voix avec des effets en temps réel. Dans Une belle journée, les deux premières pistes ne sont autres que des morceaux d’impro jouées en concert. La troisième part d’une boucle de lap-steel (sorte de guitare se jouant à plat) qui évolue par couches sonores, sur une demi-heure. C’est très interactif, sensitif.
A quoi penses-tu lorsque tu joues ?
Il me vient beaucoup d’images. Autant des paysages que des choses plus personnelles, qui m’affectent, nous affectent. C’est très variable. La musique vit avec mon humeur et mes pensées du moment. Je me dirige vers les notes qui me touchent le plus, de façon très minimale, vers peu de notes donc. Cela demande à l’auditeur une écoute patiente et très attentive pour pouvoir s’immerger. Un peu comme une transe, à l’opposé du format pop, dans lequel le temps est imposé.
Quand estimes-tu qu’un morceau est terminé ?
C’est très difficile de leur donner une fin, je crois que ce n’est jamais fini. Ce n’est qu’après de nombreuses écoutes que je valide une fin. Pour cela, j’écoute mes morceaux dans différents contextes : en conduisant, en marchant dans la rue, en faisant la vaisselle… J’ai tendance à écouter mes morceaux jusqu’à la limite du supportable, pour sentir comment les choses vivent.
D’où est partie l’idée de faire de l’ambient ? Des artistes t’ont-ils influencé ?
Avec KTT, nous travaillons depuis toujours autour de l’ambient. Avec des sons certes massifs, mécaniques, mais très atmosphériques. Les échantillons issus de machines, les guitares, la basse et la voix se mélangent et forment une sorte de nuage acoustique très dense, mais avec du rythme. En jouant seul, la matière sonore semble la même, mais peut être plus douce, plus intemporelle et du coup, plus ambient. Je suis autant touché par des musique dites ambient que des musiques plus dures. J’ai toujours écouté Glenn Branca, Steve Reich, Gorecki, Brian Eno… et en même temps les Swans, Big Black, Einsturzende Neubauten, etc. Ces musiques sont très liées. J’aime beaucoup les musiques répétitives, linéaires, comme celle de Phil Niblock, les musiques minimales et directes, qui te laissent finalement une très grande liberté d’interprétation.
Revenons à Kill The Thrill : le concert dans le cadre du nouveau festival Chhhhhut signerait-il le grand retour du groupe ?
On a très peu joué ces dernières années, c’est donc forcement un évènement pour nous. Nous avons finalement deux autres dates de prévues, dont une à Paris. Pour la suite, je n’en sais pas plus.
En tout cas, il semblerait que Kill The Thrill soit devenu un groupe culte…
C’est un groupe qui commence à dater, avec lequel on a beaucoup tourné, partout en France et en Europe. Nous faisions partie de la vague noise des années 90, aux côtés de groupes comme Deity Guns, Hint, Hems, Davy Jones’ Locker… KTT est connu par des initiés.
L’avenir ?
Avec KTT, rien de bien concret pour l’instant, par manque de temps. Je vais continuer mes concerts en solo, travailler avec de l’image. Et puis, après des années de déstructuration musicale qui m’ont permis de faire le vide, j’aimerais aussi revenir à des choses plus composées.
Propos recueillis par Jordan Saïsset
Nicolas Dick : le 29/09 à la Machine à Coudre (6 rue Jean Roque, 1er), avec Enablers, dans le cadre du festival Actoral.11. Rens. www.actoral.org
Kill The Thrill : le 21/10 à la Machine à Coudre, avec Ut, dans le cadre du festival Chhhhhut. Rens. chhhhhut.wordpress.com
Dans les bacs : Une belle journée (Les Disques de Plomb, 2009)
Plus d’infos : www.myspace.com/nicolasdick