L’Interview : Olivier Maltinti
Olivier Maltinti, alias Oliver Night, nous offre les dernières heures d’un capitaliste pur et dur à travers Jr (Me, Myself and I), une comédie satirique, politiquement incorrecte et cruelle. Un nouveau projet qui mêle les deux passions de ce touche-à-tout du spectacle vivant : théâtre et musique. Rock, of course.
Qui est ce Junior ?
Junior, c’est celui qui est à la tête de ces dynasties qui dirigent le monde. J’aimais bien cette idée. Et puis dans l’imaginaire collectif, Junior, « JR », c’est le symbole-type du capitaliste, avec la série Dallas. C’est une espèce de mélange de toutes les mythologies autour des hommes qui ont le pouvoir. J’ai piqué certains passages à quelques « grands » hommes du coin, Pasqua et Berlusconi par exemple. Junior, c’est aussi un joueur et j’avais envie de m’amuser avec ce personnage, de jouer au jeu du chat et de la souris, dans une sorte de répulsion/adoration. Ce personnage est vraiment énorme, il va loin, très loin dans certaines scènes, et pourtant, on arrive à ressentir une certaine compassion à son égard. Pour moi, c’était aussi un défi d’acteur d’aller dans l’extrême, la dégringolade, la destruction de mes personnages.
Pourquoi avoir choisi de raconter les dernières heures de sa vie ?
En partant de ce postulat, je me suis demandé quel pouvait être le plus grand plaisir de ces gens qui ont tout à l’approche de la mort. C’est peut-être une perversion de ma part, mais je pense que leur plus grand plaisir, c’est d’emmerder le monde, leur entourage et de pourrir la vie des générations futures. Donc ses dernières heures, rythmées par toutes les diverses drogues qu’il ingère, n’arrivent qu’à cette seule question : à qui tout léguer pour emmerder le monde ?
Un capitaliste pur et dur qui souhaite léguer sa fortune, ce n’est pas un peu antinomique ?
Il ne veut pas léguer pour aider. Son problème, c’est qu’il ne veut pas que les politiciens, les membres de son conseil d’administration, les dirigeants des multinationales, des chaînes de télé, des équipes de foot, que toutes ces personnes qu’il méprise aient quoique ce soit. Et surtout, il ne veut pas que sa femme et ses multiples amants puissent toucher un centime de son argent. Donc sa grande question, c’est : quelle solution trouver pour que personne n’ait rien de cette montagne de fric ? Par ce biais, on en arrive à d’autres interrogations par rapport à des solutions possibles pour sortir de la crise, sauver la planète… De façon détournée, bien sûr.
Vous êtes aussi musicien… Quelle a été la place de la musique dans la mise en scène ?
La musique est le pendant du personnage. Elle décale le propos, lui donne de la profondeur et amène un peu d’humanité. En général, dans mes spectacles, je fais en sorte qu’il y ait toujours de la place pour que des musiciens se produisent en live. C’est important que la culture rock, dont je viens, se mêle à celle du théâtre, que les spectateurs puissent se mélanger. Je trouve que c’est très difficile d’amener de nouveaux publics au théâtre. En mélangeant les genres, j’essaie de faire avancer les choses. Aussi, quand je prends des musiciens, je veux qu’ils soient des pointures, car ils ne sont pas là uniquement en accompagnement du texte. Pour Junior, j’ai choisi Jessica Kilroy. Je voulais quelqu’un d’évident, capable de nous faire voyager dans son pays dès les premières notes. Jessica, c’est ça : dès qu’elle prend sa guitare et qu’elle se met à chanter, on part avec elle aux Etats-Unis. C’est la grande musique de ma petite schizophrénie !
Votre pièce se joue en français, mais avec un tel penchant américain qu’on se demande si une version anglaise est prévue…
A la Minoterie, effectivement, le texte est en français, mais on devrait jouer au Théâtre des Bernardines à la fin de l’année et cette fois, ça sera une version bilingue. J’espère même que l’on pourra accueillir le groupe de Jessica dans son ensemble.
Vous travaillez avec plusieurs théâtres sur Marseille et dans les environs et vous faites partie du collectif Kati Bur. Que vous inspire Marseille Provence 2013 ?
J’en ai entendu parler bien sûr, et beaucoup de gens me posent la question, à savoir si je vais faire quelque chose. Pour l’instant, on ne m’a rien demandé, mais je suis à la disposition de toutes les bonnes volontés pour faire découvrir mon théâtre et ma musique, qui existent depuis dix ans à Marseille. Je suis partant bien sûr, si ça peut servir de tremplin aux artistes réels de la ville. Pourtant, j’ai l’impression — peut-être que je me trompe — que les artistes vont être un peu oubliés dans cette histoire…
Propos recueillis par Aileen Orain
Photo : Guillaume Amen – Ateliers Sparrow
JR (me, myself and I) : du 5 au 7/05 au Théâtre de la minoterie (11 rue d’Hozier, 2e). Rens. 04 91 90 07 94 / www.minoterie.org