L’Interview | Oxmo Puccino
À l’occasion de la sortie de La Nuit du Réveil prévue le 6 septembre prochain, Oxmo Puccino traverse la France et rencontre ses fans pour partager sa musique. L’artiste et son équipe nous donnent rendez-vous dans ce lieu éblouissant qu’est le Château Ricard pour une soirée privée regroupant journalistes et heureux gagnants d’un concours organisé pour l’occasion. Oxmo nous offre une écoute exclusive de l’album suivie d’un showcase live de quelques titres du prochain opus, avant d’échanger en toute humilité avec la centaine de personnes présentes. L’album est sombre, festif, parfois cru, avec des collaborations prestigieuses. Oxmo Puccino reste fidèle à lui-même et propose un regard poétique, lucide et mature sur le monde. Nous partageons une table ronde avec d’autres médias et en profitons pour lui poser quelques questions.
Au sujet des collaborations avec Orelsan, Caballero & JeanJass ou Brodinski, avez-vous baigné dans un univers familial qui vous a inspiré ?
Non, ça, c’est venu après. On avait commencé l’album avec Eddie Purple et il s’est précisé avec Gaël Faye, qui est incontestablement un des producteurs du moment. Ils ont apporté le ciment. Ensuite, on cherchait les couleurs qui manquaient au drapeau. Orelsan est un vieil ami, et je suis fan de Caballero & JeanJass. Je suis aux aguets de tout ce qui sort. Quelquefois, je tombe sur un groupe que j’aime bien et j’attends leur prochaine sortie. J’aime beaucoup Caballero & JeanJass parce qu’il y a énormément d’humour, beaucoup de travail. C’est un univers que j’aime beaucoup en termes de saveurs.
Sur la chanson Peuvent Pas, vous adoptez une attitude qui peut ressembler à celle de l’acteur Marlon Brando. Peut on comparer votre posture avec l’un de ses rôles ?
Marlon Brando est un personnage à part entière, sa vie est un film. J’y ai pas pensé, ça aurait pu être lequel ?
Dans ses rôles, Marlon Brando est en réaction face au monde qui se dresse devant lui. Le colonel Kurtz devient fou face aux horreurs de la guerre du Vietnam dans Apocalypse Now. Terry Malloy se révolte contre la mafia dans Sur les quais. Dans Un tramway nommé désir, Stanley Kowalski évolue dans un climat de violence mêlée à une sensualité causant frustrations et troubles psychologiques…
Ça se rejoint, Peuvent Pas, c’est tous les sujets qui sont abordés par le divertissement et traités de manière légère. Peuvent Pas est une espèce de vision ou de flash sur l’actualité avec des gros feutres car on ne peut pas parler de tout. Chaque phrase est un morceau à part entière. J’évoque le djihad à cause du manque d’amour, les filles qui se débrouillent d’une nouvelle manière ou l’image qu’on peut avoir d’un rappeur. Ce sont des choses trop graves pour en parler de manière inutile.
Justement, votre album phare, Opéra Puccino (1998), commence par Visions de vie et le discours d’un pasteur issu du film Mississippi Burning (1988), qui dénonce les meurtres d’hommes noirs par le KKK. Votre authenticité réside dans ce rapport constant avec l’actualité et la manière dont on en parle…
C’est la base de mon travail. Le propre d’un artiste, c’est d’être à l’heure grâce à une certaine vision du futur lors de la création. Lorsque l’œuvre sera présentée, l’artiste sera encore dans les temps. Forcément, il faut rester branché, connecté, être au courant de tout ce qu’il se passe, même si c’est compliqué. Aussi, sentir la population, ce qui fait bouger les tendances pour pouvoir être à l’heure. C’est très important aujourd’hui, surtout lorsqu’on veut rester soi-même. Pour communiquer, il y a des codes qui sont très faciles à utiliser mais qui ne correspondent pas à tout le monde. Faire de la musique sans images, sans se mettre en scène, sans faire son théâtre devant son téléphone, c’est inconcevable. C’est un autre métier, mais c’est nécessaire.
Une dernière question pour notre public phocéen. Vous avez collaboré à vos débuts avec Akhenaton et Freeman, vous êtes loin d’être indifférent à cette ville. Comment l’univers marseillais résonne-t-il en vous ?
C’est une très bonne question à laquelle je ne pourrais pas répondre. Je dis toujours que lorsqu’on a des raisons d’aimer quelqu’un, c’est dangereux, car le jour où ces raisons partent, on ne l’aime plus. On ne sait pas toujours pourquoi on aime quelqu’un ou quelque chose. Ce qui nous attire appartient à notre histoire et peut être très ancien. Je sais que ça va au-delà de la mer et du beau temps. C’est un esprit.
Et vous vous reconnaissez dans cet esprit ?
Oui bien sûr, je me reconnais beaucoup dans cet esprit. Le magnétisme que l’on peut avoir pour quelqu’un ou quelque chose ne s’explique pas. Je conseille aux gens de venir par eux-mêmes découvrir ce qui me fait vibrer dans cette ville.
Propos recueillis par Alexandre Bathellier
Interview réalisée en juin 2019 à l’occasion de la sortie de La Nuit du Réveil (All Points)
Pour en (sa)voir plus : www.oxmo.net