L’Interview | Pakito Bolino, pour les 25 ans du Dernier Cri
Le Dernier Cri fête son quart de siècle, avec l’éternelle jeunesse de ceux qui ont fait de la contre-culture et de l’underground leur credo de vie.
Dans son atelier qui croule de dessins encore emballés, dans ce fourmillement de formes, de papiers et de couleurs, d’images ubuesques et luxuriantes, Pakito Bolino, hyper fébrile dans la préparation d’un anniversaire qui fera date, nous emmène (un peu) dans son monde fou.
Le Dernier Cri fête donc ses vingt-cinq ans. Quel chemin as-tu pris pour arriver jusqu’ici, à Marseille, à la Friche La Belle de Mai ?
Il y a vingt-cinq ans que j’ai commencé l’édition et la sérigraphie. Après des études à l’école des Beaux-Arts d’Angoulême, évidemment orientée sur la BD, je n’avais pas envie de réduire le dessin au narratif. J’étais — et je suis toujours — passionné de BD, mais aussi de rock et de contre-culture. J’ai toujours été attiré par les dessins jetés, par ce moyen de s’échapper facilement de la réalité, juste en quelques traits… Alors j’ai commencé dans un squat artistique de la banlieue parisienne à approfondir des techniques comme la lino — d’où le nom que je me suis choisi : Bolino ou le beau lino — mais aussi la gravure. J’ai appris la sérigraphie à l’Atelier APAAR à Paris.
Puis je suis venu à Marseille il y a vingt-trois ans, j’ai eu le déclic, et je me suis installé un atelier à la Friche.
D’où te vient cette passion pour la sérigraphie ?
Dans la culture de la sérigraphie, il y a une culture du collectif, une esthétique qui correspond à la contre-culture, sans censure. Il n’y a pas de scénario à avoir, c’est du ressenti, c’est l’intuition première du geste qui dessine. La sérigraphie, c’est un peu le punk noise de l’expressionnisme, si l’on peut dire. C’est pour ça d’ailleurs que j’ai appelé ma structure Le Dernier Cri. Il s’agit du cri viscéral qui se moque de la mode, qui veut être le fossoyeur de la mode et des stéréotypes.
Et puis ce qui m’intéresse aussi, c’est la possibilité de l’original multiple qu’offre la sérigraphie. On n’est ni trop dans le marché de l’art, ni dans la B.D., qui est de plus en plus surveillée. Avec le numérique, on observe paradoxalement un retour à l’objet, ce qui explique sans doute aussi l’éclosion d’une vraie contre-culture, qui voit se multiplier les festivals de micro-édition. Sans doute aussi parce qu’on s’inscrit contre la censure, contre le retour de l’ordre moral. Comme il y a de plus en plus de frilosité de la part des programmateurs qui ont peur de cette censure, les artistes se sont fait leur propre édition et ont développé leurs propres réseaux. C’est une culture DIY, où les artistes sont des artisans, en dehors des circuits traditionnels.
La dimension de cette Vendetta est inédite… Comment se déroule cet anniversaire ?
On voudrait rendre visible et lisible tout ce qu’on a fait en vingt-cinq ans. Alors on a appelé tous les artistes qui ont été édités au Dernier Cri, les collectionneurs, mais aussi les artistes qu’on a rencontrés sur notre route, et on a décidé d’investir le Troisième Plateau de la Tour Panorama de la Friche et ses 600 mètres carrés, pour une exposition assez gigantesque (Mondo DC, ndlr), où il faudra sans doute revenir plusieurs fois pour pouvoir tout voir…
Par ailleurs, Vendetta, c’est aussi un salon de micro-édition qui réunit une soixantaine d’éditeurs. On l’organise avant Noël, parce qu’il me semble que c’est une période où on est un peu plus curieux que d’habitude, et qu’on peut, parce qu’on peut y faire ses cadeaux, oser franchir la porte, davantage qu’on oserait pousser la porte d’un atelier. C’est d’ailleurs pour cela que les stands seront au milieu de la salle d’expo.
Et comme la sérigraphie est indissociable du rock, parce que ce sont souvent des artistes qui font les affiches des concerts (on doit à Paquito la signature des magnifiques affiches de l’Embobineuse qui couvrent les murs de notre ville, ndlr) ou des pochettes de disque, il y aura aussi pendant le week-end une programmation musicale à l’Embobineuse et à la Platine. Parce qu’un festival, c’est aussi l’occasion de fédérer des lieux dans lesquels on travaille, c’est l’occasion de célébrer les collaborations artistiques. Par exemple, on ouvre le vendredi (le 14 décembre à 17h30, ndlr) en faisant un vernissage à la Platine, parce que c’est notre imprimeur en offset, et que du coup, avant un petit concert, on pourra en profiter pour voir les machines.
Pour ce qui est de la programmation musicale, on a choisi des artistes qui avaient un lien avec la scène graphique alternative. C’est le cas par exemple pour PTT du Congo, qui sont artistes graphistes, mais aussi musiciens.
Dans le week-end, on présentera aussi les films d’animation qu’on a produit depuis vingt-cinq ans, depuis ceux qu’on fabriquait pour L’Œil du Cyclone sur Canal + dans les années 90/00, et puis les cinquante premières minutes de notre nouveau film, Mondo DC.
Ce festival, c’est surtout l’occasion de réunir des artistes au-delà des frontières, et de réunir tous ceux qu’on a rencontrés, mais c’est surtout l’occasion de faire encore de nouvelles rencontres humaines. Parce que ce qui se joue dans un atelier, finalement, c’est surtout de la rencontre humaine.
Propos recueillis par Joanna Selvidès
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Mondo DC – Les 25 ans du Dernier Cri : du 15/12 au 31/03 à la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).
Rens. : www.lafriche.org -
Vendetta, Salon du multiple et de la micro-édition : les 15 et 16/12 à la Friche.
Rens. : www.lafriche.org
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Vendetta Tatatata #6 : les 15 & 16/12 à l’Embobineuse (11 boulevard Bouès, 3e).
Rens. : www.lembobineuse.biz/
Pour en (sa)voir plus : www.lederniercri.org