Avec son dernier album, Identité en crescendo, Rocé a hissé le rap français à un niveau jamais atteint jusque-là. Liberté de ton, liberté de style, rencontre avec une figure à l’avant-garde de la poésie urbaine… (lire la suite)
Avec son dernier album, Identité en crescendo, Rocé a hissé le rap français à un niveau jamais atteint jusque-là. Liberté de ton, liberté de style, rencontre avec une figure à l’avant-garde de la poésie urbaine.
Avec l’importance que tu accordes au texte, n’est-ce pas un peu réducteur de te qualifier de « rapper » ?
Non ! Je suis et je reste un rapper. Je ne fais pas de la poésie. Au début, lors de la sortie des premiers albums de NTM et d’Assassin, c’était l’âge d’or du rap. Ensuite, tout le monde a vécu sur ses acquis… Mais ce n’est pas figé, il y a toujours une richesse des mots et du texte qu’il faut faire vivre. J’essaie juste de faire évoluer le truc, de définir un nouveau style.
Identité en crescendo, c’est le premier album de « free rap » ?
Peut-être, mais je préfère dire que c’est du « rap progressif » car je cherche à faire évoluer le morceau, le faire progresser, en développant le texte, en modifiant le flow. Moi, je n’improvise pas : mes textes sont écrits, il y a une métrique à respecter. L’important, c’est de toujours avancer.
Comment s’est déroulée ta rencontre avec Archie Shepp ?
J’avais imaginé le morceau et je lui ai tout simplement fait écouter. On était ensemble en studio, il a pris son sax et c’est parti… Archie Shepp, c’est un modèle, un exemple : un précurseur du free jazz, créateur d’une musique revendicative, consciente, qui a accompagné des luttes politiques et sociales. Si sa présence sur mon album peut aussi servir à faire connaître son travail à ceux qui n’y étaient pas forcément sensibles, c’est bien.
Le free-jazz et le jazz en général, tu as découvert ça comment ?
J’ai la chance d’avoir un ami disquaire qui me fait écouter beaucoup de choses. J’avais envie d’aller plus loin, vers des trucs moins accessibles, d’arriver avec autre chose qu’un gros sample de Barry White. Après, au-delà de la découverte purement musicale, la maturité qui entoure ces musiques m’a beaucoup plu : tout ce discours autour du free jazz, il faut le ramener dans le rap pour qu’il ne soit plus une musique d’adolescents. Il faut viser le long terme.
Si tu devais sauver cinq albums de jazz, tu choisirais lesquels ?
Des albums… Je ne sais pas. C’est toujours difficile comme question… Je crois que je choisirais un Mingus, un Albert Ayler, un Archie Shepp, un Coltrane et un Quincy Jones de la grande période.
Après le jazz, vas-tu te pencher sur d’autres styles fondamentaux comme le blues ou le folk ?
Tu sais, j’en n’ai pas encore fini avec le free jazz. Je me suis intéressé à son histoire, mais cette musique a aussi une actualité que je veux connaître, surtout aujourd’hui avec les outils numériques. Il y a une richesse dont je n’ai pas encore fait le tour. En fait, je ne me suis pas fixé de règles dans ma carrière : il faut juste que j’ai l’impression de progresser.
Ta volonté de défricher des espaces musicaux vierges ne t’isole-t-elle pas dans le paysage rap français ?
Pendant quatre ans, j’ai refusé tout featuring, je me suis enfermé socialement mais je me suis ouvert culturellement. J’avais envie d’aller voir ailleurs. Cette solitude, je l’ai cherchée, et j’ai l’impression d’avoir touché quelque chose de plus universel, bien loin des problèmes internes au rap français.
Rassure-nous : sur scène, t’es seul ?
Tu sais, au départ, le rap c’est un Mc et un Dj, ça c’est la base. Je me suis même parfois retrouvé seul avec un micro. A partir de là, tu peux rajouter des instruments sur scène, pas pour camoufler les lacunes comme ça arrive souvent, mais pour donner un côté organique, vivant à la musique. Là, on sera trois : un dj, l’ancien bassiste de Urban Dance Squad et moi.
Propos recueillis par nas/im
Le 23 au Poste à Galène, 20h30. Rens. 04 91 47 57 99
Carte blanche à Rocé, le 23 de 18h à 19h sur Radio Grenouille (88.8 FM)
Dans les bacs : Identité en crescendo (No Format/Universal Jazz)