L’interview tout azimut | Alex Vizorek

L’humoriste belge Alex Vizorek est partout, de Par Jupiter sur France Inter à la télé chez Ardisson, en irrésistible maître de cérémonie des derniers Magritte (prix du cinéma belge francophone) ou sillonnant les routes de France et de Navarre avec Pierre et le loup et, surtout, Alex Vizorek est une œuvre d’art, avec lequel il sera en clôture de la prochaine Quinzaine belge de Saint-Rémy-de-Provence. À cette occasion, nous avons donné carte blanche à un panel choisi de son public pour l’interroger. Questions-réponses franco-belges… et azimutées.

 

La question la plus importante du moment : es-tu pour ou contre l’heure d’hiver ?
(Caroline Sallenave, Secrétaire générale du Théâtre des Salins, Scène nationale de Martigues)

Ah ah ! J’aime bien l’heure d’été ! Par contre, j’aime encore bien l’idée du changement d’heure, parce que c’est comme lorsque tu t’achètes des chaussures trop petites et que tu es content après lorsque tu te procures la bonne pointure. J’ai l’impression que l’on tire ensemble ces six mois d’hiver pour arriver à l’instant où tu te dis : « Enfin, on est sur six mois d’été ! » J’attends toujours avec impatience le week-end du changement d’heure. On sort de sa tanière, de l’hibernation…

 

Petite question écologique : avec le changement climatique, les frites sont plus petites. Comment vis-tu cela ?
(Caroline Sallenave, Secrétaire générale du Théâtre des Salins, Scène nationale de Martigues)

Pas mal du tout ! Quoique ma réponse puisse être aberrante, je vais la faire… (Grand rire) Les frites que je préfère, ce sont les petites croustillantes, celles qu’il y a au fond du paquet. Donc si je fais la comparaison avec la croûte que je chéris plus que la mie, et considérant que lorsque la baguette est plus petite, il y a davantage de croûte, alors vive les petites pommes de terre ! Je précise tout de même que je ne suis pas pour le réchauffement climatique.

Il y aura plus de frites dans le paquet. Est-ce que l’on peut ramener cela à une comparaison avec la politique ? Oui… pas sûr… quoique la gauche ressemble à ça ! Ça veut dire qu’il n’y aura plus de petits partis qui ne vont pas réussir à s’allier…

 

Est-ce que vous choisissez vos plumes en France ou en Belgique ?
(Anne Boulord, journaliste à Bruxelles)

Les deux ! Et uniquement pour la télé et la radio. Je donne les sujets à trois Belges et deux Français, dont une Française. Pour les Magritte, je les ai tous cités. Je vais faire une comparaison très prétentieuse, mais comme il y avait les ateliers Rembrandt, là on a les ateliers Vizorek. Je signe, termine et commence les œuvres, mais je suis aidé au milieu par des gens brillants. Par contre, mon spectacle a été écrit par moi. Idem lorsque je fais de la presse écrite, c’est pour cela que je n’en fais pas beaucoup, cher Ventilo. (sourire)

 

Lorsque tu pars en week-end à deux, tu préfères être avec Clara Dupont-Monod ou Laurent Baffie ?
(Mohand Meziani, professeur d’histoire Bruxelles)

(Grand éclat de rire) C’est drôle ! Ça aurait pu être une question de Guillaume (Meurice) ! (Rire)
Ce sont deux grands bosseurs, donc forcément, ça serait un week-end de travail. Donc si j’écrivais une pièce de théâtre comique, je partirais avec Laurent. Si j’écrivais un roman d’amour, ce serait avec Clara. Ou alors on prend une grande maison et on part à trois, mais je ne sais pas s’ils vont s’entendre… si, en fait, je crois que oui.

 

Quelle personnalité est la plus belge parmi les Français ?
(Alain Confino Gomez, Directeur du Théâtre des Doms, Pôle Sud de la création en Belgique francophone, Avignon)

Ah ah, ça c’est intéressant comme question ! Il faudrait quelqu’un d’absurde… Quelqu’un comme Chris Esquerre par exemple, il est empli de belgitude parce qu’absurde, parce qu’assumant jusqu’au bout ses délires, gentil par ailleurs, donc ça serait quelqu’un de cette trempe-là. Après, si on veut coller au sud, un mec comme Éric Antoine. Il est vraiment toujours souriant, de bon poil, parfois il sort un truc très pointu, parfois quelque chose d’ultra potache, je pense qu’on peut lui donner la nationalité belge. En tout cas, s’il la demande, j’essaierai de faire avancer son dossier. (Rire) Et là, je prends un grand risque, mais j’ose avouer que si Kylian Mbappé veut aussi devenir belge, je pousse également son dossier. (Rire malin)

 

La meilleure blague marseillaise, ça ne serait pas Gaudin ?
(Julien Ruols, Président de Say My Nem, Marseille)

Le Bouteflika du Vieux Port !
J’espère qu’à un moment, les politiques — cela dit, c’est vrai dans tous les métiers — passent la main. C’est étrange, les mecs se battent pour que les gens puissent partir à la retraite et eux ne la prennent pas ! Ok, l’expérience est nécessaire, mais à un moment donné, forme quelqu’un et passe la main ! Je crois surtout qu’ils n’ont pas très envie d’être exposés à autre chose qu’aux électeurs. Je me suis beaucoup moqué de Colomb, mais lui au moins, il s’est retiré à temps… avant l’arrivée des gilets jaunes. Gaudin, il n’a pas pris sa retraite avant les immeubles qui tombent. C’est ballot !

 

Contrairement à Gaudin, vous ne seriez pas un peu partisan du « Il vaut mieux partir avant que ça se gâte » ?
Ah ah ! Ça, c’est l’histoire de ma vie ! C’est un peu mon côté manque d’héroïsme total ! Pleutre ! (Grand éclat de rire)

 

Si tu avais pour mission de trouver une nouvelle devise ou un slogan pour redorer le blason de Marseille, lequel serait-il ?
(Julien Ruols, Président de Say My Nem, Marseille)

Tirer au but plutôt que les uns sur les autres ! Et je tiens à préciser que personnellement, j’aime assez bien Marseille.

 

Qui sont les plus marrants, les Bruxellois ou les Liégeois ?
(Manon Lepomme, humoriste belge, Liège)

Ça me fait mal au cul de l’avouer, mais les Liégeois ! C’est exactement pareil que le fait que les Marseillais sont plus marrants que les Parisiens. (Sourire). Ce sont des villes qui sont underground, pas des capitales, elles ont un vrai cachet… Cela se ressent aussi au foot, au stade à Liège, il y a beaucoup plus la fête, et même après dans la ville, c’est davantage la folie. À Liège, tu sais que tu peux faire la fête toute la semaine, à Bruxelles, c’est plus compliqué. Après, je ne changerai pas de ville. J’aime l’idée que Bruxelles est une capitale et que tout est à portée de main. Mais dès qu’il y a un truc qui se passe à Liège, que je peux y passer un week-end, j’y vais de suite, comme pour le Festival du Rire de Liège des Frères Taloche, l’un des plus chouettes festivals d’humour de Belgique.

 

Que penses-tu du marathon médiatique de Macron dans nos villes et nos villages de France ?
(Caroline Sallenave, Secrétaire générale du Théâtre des Salins, Scène nationale de Martigues)

Si j’étais son directeur marketing, je dirais que c’est brillant ! Comme il a été brillantissime pour complètement exploser la gauche et la droite traditionnelle pour se faire une autoroute au milieu. (Sourire) Force est de constater que c’est bien joué… Tout le monde dans la rue râle et lui dit : « Bon, ce qu’on va faire, c’est que l’on va parler ». Alors les gens se disent : « Le mec est balèze, il veut bien nous écouter. » Et en fait, c’est lui qui parle, donc je le répète : c’est brillant. Et j’aimerais bien que les autres soient, même occasionnellement, aussi brillants que lui ! Après, si on décide qu’il a pris tout le temps de parole et que maintenant, c’est terminé, il ne cause plus jusqu’aux Européennes, ça me va aussi.
Résultat : il nous l’a mise profond, mais comme si c’était nous qui l’avions demandé, c’est ça qui est bluffant !  

 

Imaginons que tu aies une fille. Que lui dirais-tu pour qu’elle ait le courage de grandir dans un monde sexiste comme le nôtre ?
(Flavio Franciulli, artiste circassien et comédien, Marseille)

J’ai grandi avec une mère, deux grands-mères, une sœur, une tante. La seule personnalité masculine présente, c’est mon père. J’ai donc été élevé par des femmes, je les ai vues travailler, être la réponse à tous les problèmes. Donc par mon vécu, c’est juste impossible pour moi d’imaginer qu’une femme ne soit pas l’égale de l’homme. Si j’avais une fille, j’espère que, de manière instinctive, je lui transmettrais ça. Autrement, je la collerais chez sa grand-mère qui l’éduquerait de la même manière qu’avec moi.

 

Le statut d’artiste : France ou Belgique ? Peste ou Choléra ?
(Anne Boulord, journaliste, Bruxelles)

Je pense qu’il y a quelques avantages dans les deux. Évidemment, avantage aux français car lorsque tu es intermittent, tu n’es pas chômeur, tu es considéré comme travailleur et tu touches ton salaire précédent. C’est-à-dire que si Depardieu était intermittent, il aurait une grosse intermittence. En Belgique, le problème c’est que tu es considéré comme un chômeur, mais en revanche, tu ne peux pas perdre ton statut, tu ne dois pas refaire valoir des heures. Cependant, tu dois pointer régulièrement à Pôle Emploi ou faire des formations qui t’expliquent comment trouver un emploi, alors qu’en fait tu en as déjà un puisque tu es artiste. Le statut est un peu absurde ! Et la rémunération est plafonnée aussi. Ce qui est un autre problème : toute ta vie tu peux gagner une certaine somme d’argent, sauf que parfois quand tu gagnes ta vie, on te la retire puisque c’est plafonné. Il s’avère que lorsque tu écris un livre ou réalises un film, le moment où tu travailles, ce n’est pas que celui où le livre sort ou où le film est tourné. C’est un truc que tu as mûri longtemps à l’avance… Mais c’est vrai que nous les artistes, nous avons un travail qui ne ressemble à aucun autre ; c’est donc bien si l’État et les autorités peuvent se pencher sur les spécificités de nos métiers, parce que malgré tout, la culture est aussi une manne financière très grande… La culture fait aussi tourner l’économie, donc ça vaut le coup de s’y pencher, ainsi que sur les gens qui la font vivre.

 

Pourquoi cette volonté, comme d’autres de Par Jupiter, de se retrouver absolument à la télé ? N’as-tu pas l’impression de passer de la chronique audacieuse et pertinente à un statut de simple amuseur présent partout et en mode « caution culturelle » ?
(Anne Le Henaff, responsable artistique du Festival de cinéma Travelling, Rennes)

Quand j’étais gamin, j’étais plus un téléspectateur de Drucker qu’un auditeur de France Inter. L’idée de la culture très populaire… c’est complexe. Je n’ai pas de snobisme vis-à-vis de la télé. J’aime la télé et forcément qu’elle touche d’autres gens que la radio, je le vois dans mes spectacles. C’est un autre exercice qui est moins rigolo à faire, ça, c’est évident. C’est plus chiant : il faut s’habiller, se maquiller, le lendemain de la diffusion, il faut regarder les audimats, tous les trucs que l’on n’a pas en radio. Pour moi, c’est assez complémentaire. Je trouve que les gens qui peuvent potentiellement me reprocher ça, ce sont des gens qui n’aiment pas la télé ; et s’ils n’aiment pas la télé, libre à eux, même si c’est du snobisme. Je ne ferai à la télé que ce que j’ai envie d’y faire. Chez Ardisson, on peut le tourner comme on veut, mais toutes les semaines, je parle d’un artiste contemporain pendant deux minutes devant 1 300 000 personnes. Il n’y a pas beaucoup de gens qui touchent autant de monde avec de l’art contemporain en télévision. J’estime que rien que pour ça, cela en vaut la peine. Après, et même si ce n’est pas du tout le moteur, c’est aussi bien payé. (rire)

 

Étant ton tout premier public, tu as donc aussi ta carte blanche. Quelle question veux-tu te poser ?

Est-ce que j’ai aimé faire cette interview ? Et je réponds que j’ai trouvé ça très original. Je pense que c’est bien que le journaliste cède occasionnellement sa place à d’autres gens qui parfois osent me poser des questions que les journalistes ne me posent pas. Et comme ça, on a en plus des gens qui m’aiment bien, d’autres moins, des gens qui me découvrent, d’autres qui sont aficionados… donc ça vient d’un peu partout. C’est comme si c’était une grande conférence de presse avec tout type de gens. Donc c’est une bonne idée, Madame ! Vous pouvez continuer à faire cela dans Ventilo !

 

Questions et réponses recueillies par Marie Anezin

 

Alex Vizorek est une œuvre d’art : le 30/03 à l’Alpilium (Saint-Rémy-de-Provence).

Rens. : www.mairie-saintremydeprovence.fr

Pour en (sa)voir plus : www.alexvizorek.com