L’homme est un loup pour Wolverine
Fidèle au célèbre personnage de comics, Logan est une œuvre rugueuse qui réussit le tour de force d’émouvoir avec un super-héros, et d’enfoncer le spectateur dans son siège par sa violence sans concession. De quoi rugir de plaisir.
Wolverine est l’un des personnages les plus attachants de l’univers des comics Marvel, notamment en raison de sa longévité. Son arrivée dessinée est annoncée dans le numéro 180 de la revue Incredible Hulk datant de… 1974. C’est dire si le personnage a eu le temps de faire pousser sa barbe et ses griffes rétractiles. Il est issu d’une expérience secrète de l’armée canadienne, consistant à recouvrir ses os par un métal indestructible, l’adamantium, et à le doter d’un facteur auto-guérissant. Mais c’est son caractère, hautement solitaire, réfractaire à l’autorité, et son animalité difficilement contrôlable qui le distinguent principalement de ses acolytes mutants : la Division Alpha canadienne, puis les X-Men américains. Au fil des années, le personnage s’humanise au point de suffisamment gagner la sympathie du public et bénéficier d’une série régulière pour lui seul, dès la fin des années 80.
L’engouement pour les super-héros a rapidement gagné le cinéma, et c’est tout naturellement que Wolverine y occupe une place de choix avec pas moins de huit films depuis l’année 2000. Si sa première apparition au grand écran, au sein de l’équipe des X-Men et sous les traits de Hugh Jackman, a de quoi séduire un large éventail de spectateurs et de critiques grâce au talent du réalisateur Bryan Singer, les opus suivants manqueront de plus de plus de griffes scénaristiques au profit d’effets spéciaux de plus en plus coûteux et inutiles. Avec Le Combat de l’immortel, en 2013, qui voit Wolverine affronter un samouraï géant, la preuve est faite que le ridicule peut effectivement être indestructible. Quatre ans plus tard, la sortie de Logan, annoncé comme la dernière incarnation du personnage par Hugh Jackman avec, à nouveau, James Mangold à la caméra, ne pouvait donc que susciter craintes chez les fans de comics, et ignorance chez les critiques de presse.
Et pourtant, le réalisateur a montré qu’il savait filmer la trajectoire d’hommes blessés, solitaires, en lutte contre un destin tragique, que ce soit dans la biographie du chanteur Johnny Cash (Walk the line, 2006) ou dans un thriller de quartier (Copland, 1997). Logan se situe dans cette veine et demeure la meilleure surprise de l’univers Marvel depuis de nombreuses années. Les premières images donnent le ton : Wolverine, pourtant super-héros, est fatigué et approche la cinquantaine. Il boite et ne peut éviter les coups d’une bande de voleurs de voitures avant de les corriger sévèrement à la faveur d’un accès de rage soudain. Le temps a fait son œuvre et le message est clair : Wolverine, tout comme Hugh Jackman, ne sont pas immortels. Lui donner un nom, Logan, c’est d’ailleurs l’humaniser. Les scènes où Hugh Jackman se montre torse nu ne cherchent pas plus à tricher sur le corps du personnage. Ridé, le Professeur Charles Xavier, mentor de Logan, atteint de troubles de la mémoire, et dépendant de l’aide d’autrui, ne fait également pas exception à la règle.
Il vaut mieux respecter les vieux, semble nous dire Mangold, à en croire l’immobilité provoquée chez les autres par les crises du Professeur, ou les têtes transpercées par les griffes de Logan. Les enfants aussi, si l’on en croit les ravages causés par l’enfant mutant X-23 Laura Kinney. Les extrémités intéressent donc le réalisateur. L’âge ici, l’ambiance là-bas, entre calme plat dans les moments d’émotion entre Charles Xavier et Logan, et déchaînements de violence dans les scènes de combat ; mais aussi entre paysage urbain d’un côté et désert de l’autre, qu’il soit au Mexique ou dans l’État du Dakota.
Mais l’histoire se termine en forêt, lieu de la première intervention de Wolverine dans le comics et territoire où le loup règne en maître. La boucle est bouclée et ce, à plus d’un titre. Dès les premières apparitions de Wolverine au cinéma, Charles Xavier apparaît comme le père qu’il n’a jamais connu et ce sentiment est partagé par les deux personnages. De manière classique, le père (Xavier) symbolise la sagesse, difficile à transmettre au fils fougueux (Logan), qui n’est donc pas encore prêt à transmettre cette vertu à des enfants (les autres X-Men). Avec ce film, le personnage de Wolverine atteint la maturité en devenant Logan, et résiste encore à devenir sage tant l’animal qui est en lui prend le dessus, tout en démontrant que celui-ci s’avère sage, notamment quand il assume son rôle de père…
Guillaume Arias
Logan de James Mangold est actuellement dans les salles.