Programmée en plein cœur de l’hiver par une petite chaîne câblée qui monte, AMC, tandis que la grève des scénaristes battait son plein, Mad men n’a pas tardé à faire son trou de l’autre côté de l’Atlantique. Développée par un ancien scénariste des Sopranos, Matthew Weiner, la série dépeint avec force justesse et brio le quotidien d’une agence publicitaire new-yorkaise au milieu des années 50. Respectant au plus près les mœurs de l’époque, le show n’esquive aucun sujet tabou, appuyant même là où ça fait mal, en interrogeant l’Américain pré-Kennedy sur son rapport au racisme, à l’antisémitisme, à l’homophobie, au sexisme, à l’adultère, à l’alcool et au tabac, le grand vainqueur. Car le sujet de la série n’est pas tant les us et coutumes d’une agence de pub que la cigarette, volute narrative et véritable fil rouge de ces destins new-yorkais. Dans Mad men, on fume tout le temps et partout : chez soi, avant, pendant et après l’amour, au bureau, en train, au resto, au supermarché et même chez le médecin — la scène où un gynéco, une clope au bec, la tête entre les cuisses de sa patiente, place un stérilet est à ce titre assez cocasse. « Fumer tue », comme nous le sermonne aujourd’hui chaque paquet de cigarettes, sauf que dans le cas présent cet avertissement résonne, nuance, en tant que constat qualitatif, comme on dirait de notre président qu’il craint ou d’un film qu’il déchire. Pour couronner le tout, saluons la performance de Jon Hamm — très juste dans le rôle de Don Draper, tout à la fois charismatique, dépressif, alcoolique, tabagique et amoureux des femmes, à l’instar de Hank Moody, notre chouchou sisyphien de Californication — qui est reparti des Golden Globe avec une statuette. Tout comme David Duchovny. Ça ne s’invente pas.
HS