Marie-Antoinette – (USA – 2h03) de Sofia Coppola avec Kirsten Dunst, Jason Schwartzman…
Un cri du cœur : « I wanna be forgotten and I don’t wanna be reminded… » L’image de Marie-Antoinette courant dans les immenses couloirs de Versailles sur les premières notes hurlantes du Whatever happened ? des Strokes… (lire la suite)
La Cour des grands
Un cri du cœur : « I wanna be forgotten and I don’t wanna be reminded… » L’image de Marie-Antoinette courant dans les immenses couloirs de Versailles sur les premières notes hurlantes du Whatever happened ? des Strokes restera sans doute comme l’un des plus beaux moments de cinéma des années 2000. Ce bref passage, qui incarne sans doute tout ce qui nous pousse encore à fréquenter les salles obscures, résume également l’œuvre d’une vraie cinéaste. En trois films seulement, Sofia Coppola, fille de, copine de, branchée parmi les branchés, a imposé une vision singulière, à la fois intime et « totale », du cinéma. Un cinéma où le cadrage reflète au centimètre près la place (réelle et symbolique) des personnages, où économie de mots rime avec paroxysme des émotions, un cinéma où tout fait sens — de la photo (sublime) à la musique (saisissante). Si Marie-Antoinette ne figure peut-être pas le zénith de la courte carrière de sa réalisatrice (Virgin Suicides avait mis la barre très haut), il (par)achève sa trilogie de l’isolement adolescent avec éclat, dans un étourdissement de couleurs et de sensations. Car avant d’être reine et de devenir « la première fashion victim de l’Histoire », Marie-Antoinette est une ado. Une victime peut-être, mais pas de la mode. Simplement une gamine qui souffre de ne pas être aimée (par son mollasson serrurier de mari qui — crime de lèse-Majesté ! — refusera de la toucher pendant sept ans, mais aussi par la Cour envieuse, moraliste et cancanière), de ne pas trouver sa place (elle étouffe autant dans les « ridicules » protocoles versaillais que les vierges suicidées dans leur famille puritaine ou la jeune Américaine lost in Japan). Et qui utilise les mêmes échappatoires que toutes les jeunes filles du monde, quelle que soit l’époque à laquelle elles appartiennent : le rêve, le shopping, le jeu, la picole, la fumette… Avec un sens inouï de l’ellipse narrative, Sophia Coppola suit au plus près le destin de l’Autrichienne : sa vie s’accélère à l’écran (le film s’arrête juste avec la fuite de Versailles), mais le temps nous semble comme suspendu au mystérieux sourire de Kirsten Dunst. Ce qui était une comédie aérienne prend alors les atours vertigineux d’un drame : celui d’une fille devenue femme sans être passée par la case « liberté », celui d’enfants devenus adultes dans la douleur. Enfin, mais trop tard.
CC