Marseille Culture[s] de Jean Contrucci et Gilles Rof (éditions HC)
L’interview
Jean Contrucci
A la veille de la Capitale européenne de la Culture, Jean Contrucci et Gilles Rof nous embarquent, avec leur monumental Marseille Culture[s], pour un voyage spatio-temporel au cœur artistique de la cité phocéenne. Eclairage avec le premier.
D’où est venue l’idée d’un tel ouvrage ?
De l’éditeur, qui cherchait à réaliser un livre ambitieux sur le Marseille culturel d’hier à aujourd’hui. Devant l’ampleur de la tâche, j’ai voulu m’associer avec un confrère de la génération suivante. La curiosité, la polyvalence et l’attachement à Marseille de Gilles Rof en ont fait le candidat idéal. Il s’agissait pour nous de mettre en lumière les créateurs de la ville, en faisant ressortir ses spécificités. Il est vrai que le mot culture ne vient pas en premier quand on parle de Marseille. Et pourtant, l’histoire est là pour nous rappeler son passé si riche en la matière et l’inspiration qu’elle a suscitée chez de nombreux artistes.
Votre ouvrage tire dans tous les sens. Comment l’avez-vous pensé ?
Pour une entrée en matière intime, nous avons demandé à Patrick Cauvin de nous raconter la ville de son enfance. On a ensuite coupé le livre en neuf parties pour autant de disciplines, qui mêlent entretiens de grands témoins, portraits et généralités. Globalement, le travail s’est réparti selon les goûts et compétences de chacun. Des collaborateurs experts ont aussi été sollicités selon les sujets. Je tiens à préciser que nous n’avons été les porte-parole de personne. Nous avons disposé d’une totale liberté dans ce projet que nous assumons pleinement.
Votre approche semble avoir privilégié l’historique à l’esthétique des œuvres…
Cela n’est pas exact pour ce qui est des artistes contemporains. Pour les autres, l’histoire prime naturellement selon moi. Et Marseille Culture[s] n’est pas un livre de critique d’art.
Quittons le passé pour revenir au présent. A quoi ressemble le Marseille culturel aujourd’hui ?
Marseille est une mosaïque de cultures. Il y a vingt ans, elle était marquée par l’empreinte d’une culture très bourgeoise, traditionnelle, et l’on n’imaginait sûrement pas qu’un festival puisse drainer 35 000 personnes comme Marsatac cette année. Aujourd’hui, arts de rue, musiques électroniques et du monde investissent la ville. La spécificité par rapport aux autres métropoles est, peut-être, le fait que de nombreux artistes locaux revendiquent leur appartenance à la ville par leur art. IAM en est un bon exemple. Telle une éponge, cette ville est capable d’absorber tout et de fabriquer du « marseillais » avec tout ce qui passe. On finit toujours par y trouver sa place.
Vous ne parlez pas de la Capitale européenne de la culture. Votre avis sur la question a-t-il évolué en cours d’écriture ?
Non seulement nous n’avions pas d’informations suffisantes dessus lors de l’écriture du livre, mais en outre, nous ne voulions pas que l’ouvrage soit un catalogue d’évènements. De toute façon, nous ne savons toujours pas aujourd’hui où l’on va avec MP 2013. Je me réjouis pour Marseille que des infrastructures culturelles pérennes soient construites ou rénovées à cette occasion, mais je crains que l’on soit noyé dans le flot des manifestations.
Le futur ?
Gilles va continuer à faire des documentaires pour la télévision et à écrire des articles pour plusieurs journaux. Mon actualité est littéraire : en février sera publié un roman de cape et d’épée et je vais travailler sur la suite des Nouveaux Mystères de Marseille.
Propos recueillis par Guillaume Arias
LE LIVRE
Marseille Culture[s] (éditions HC)
Avec plus de 400 pages remarquablement illustrées, ce beau bébé littéraire est une véritable oasis culturelle sur le fond comme sur la forme. Le titre et l’émouvante préface du regretté Patrick Cauvin annoncent la couleur. Marseille est un carrefour de cultures où tous les arts se côtoient dans le temps et l’espace. Les choix des auteurs sont clairement assumés, minimisant la portée de certains partis pris supposés et manques. Reconnaissons toutefois que les oublis se cherchent comme une sardine qui boucherait le Vieux Port. Le livre se parcourt telle une balade dans les calanques. On profite d’abord du paysage et de ses formes (peinture, dessin et sculpture) tout en écoutant les sons de la nature (musique). Très vite, l’effort pédestre sollicite notre corps (danse, théâtre) avant une petite lecture au soleil (littérature). Le chemin du retour mobilise finalement notre œil pour un spectacle visuel sous un autre angle (photographie, architecture, design et cinéma). La liste des artistes évoqués nous entraîne dans une balade, urbaine cette fois-ci, eu égard au foisonnement de noms de rues, boulevards et places qui ont pris leurs noms. Les infrastructures emblématiques de la vie culturelle marseillaise ne sont évidemment pas oubliées via des documents d’archive et des témoignages. Mais l’un des aspects les plus intéressants de Marseille Cultures[s] consiste à nous parler aussi des artistes que la ville a inspirés. Saviez-vous par exemple que Verdi a écrit les opéras Othello et Falstaff pour un baryton marseillais ? Ou encore que Spider-Man et Mary-Jane ont passé leur lune de miel dans la cité phocéenne ?
GA