Marseille en lettres capitales
Ça y est, la décision vient de tomber : Marseille Provence sera Capitale européenne de la Culture en 2013. C’est en tout cas ce qui a été décidé après une journée riche en émotions pour les villes en lice (et pour la rédaction de Ventilo, transformée pour l’occasion en office de bookmakers) qui passaient leur « Grand oral » ce mardi matin devant le jury du Conseil Européen. Certes, juridiquement, la proposition du jury devra être entérinée par le Conseil Européen, en mai 2009. Mais jamais — ô grand jamais — le conseil n’a contredit la position du jury.
Au-delà de la joie et des espoirs qu’il draine, ce titre de Capitale européenne remet au centre une question primordiale : celle de la culture comme l’une des conditions essentielles du développement d’un territoire. L’exemple lillois est encore dans toutes les mémoires. Et pour cause : débarrassée de ses relents de poussière de charbon et de son image de sinistrose industrielle, la métropole ch’ti s’est affichée triomphante. En 2004, Lille a drainé plus de neuf millions de participants et la fréquentation touristique a explosé. Pour un euro investi, six de rapportés et une image de la ville liftée. Et Marseille ? Le projet de Marseille Provence ne se résume pas à une secousse sporadique, à un méga festival d’un an. Il s’agit — dixit Bernard Latarjet, directeur du projet de candidature (1) — d’un travail de fond, mené avec l’ensemble des acteurs du territoire : élus, acteurs culturels, chefs d’entreprises et établissements scolaires, vers des actions et des projets à long terme. Et c’est là que la différence s’est sans doute faite. Marseille présentait le projet le plus large en termes de territoire, rassemblant dans un même élan les villes du pourtour marseillais, d’Arles à Toulon. Une quarantaine d’ateliers en synergie avec les thèmes de la candidature sont déjà en place, grâce à une participation régulière des associations et des acteurs, à monter en puissance jusqu’à 2013. Deux millions d’euros ont d’ores et déjà été investis dans des projets à long terme, des grands chantiers sont en cours. La candidature de Marseille avait en outre le mérite de présenter un projet axé sur des actions euroméditerranéennes, ce qui a peut-être fait pencher la balance. Les projets et les grands chantiers du territoire se posent en effet comme la passerelle entre les projets culturels et les choix politiques, replaçant le champ méditerranéen au centre des enjeux qui dessineront l’espace européen de demain.
Marseille retenue, le plan de bataille peut enfin être enclenché. Crescendo jusqu’à 2013. Rien de définitif ou de figé pour autant : la construction du projet devrait demeurer ouverte. Cela dit, tout n’est pas rose : des voix s’élèvent déjà pour critiquer la gestion de la culture à Marseille. Certains professionnels de la culture et des artistes craignent d’être les oubliés de la fête. Cette candidature a décidément jeté un pavé dans la mare/mairie, remettant en cause tout le système de gestion de la culture de la Ville. On craint l’opération à grand spectacle, on dénonce l’absence de volonté politique claire et la gestion de la culture au quotidien.
Sport local et répandu : la tchatche. La candidature de Marseille a en tout cas fait parler. On était pour. On était contre. On attendait. On espérait. Marseille 2013 commence (enfin) à réveiller la population : ça balance (un peu, beaucoup, passionnément), ça fait bouger les langues et les esprits, ça fait parler, penser, rêver, critiquer… créer. Bref, si cela peut nous rassembler, pour le meilleur et rien que pour le meilleur…
BJ
(1) Retrouvez l’interview de Bernard Latarjet dans notre prochain numéro, le 1er octobre prochain.