Arrêts sur images

L’association aixoise Seconde Nature poursuit sa réflexion sur notre rapport à l’image cinématographique à l’époque du tout numérique, avec deux nouvelles expositions à Aix et à Marseille.

D’emblée, on se rend compte de la richesse de la thématique du cinéma dans les arts numériques. On observe tout abord un clivage entre des œuvres portées sur l’objet (la bobine de film) et d’autres plus axées sur le rapport aux images que l’on se construit. Ainsi, la très remarquable Continuization Loop de Wim Janssens joue avec l’objet cinématographique par excellence, en montrant un mur de pellicules défilant verticalement, alternativement de haut en bas et de bas en haut, créant ainsi un écran géant hypnotique qui vit de manière autonome. Avec les autres œuvres, et à l’instar de la rivière de Davor Sanvincenti, dans laquelle une image abstraite pixélisée s’anime doucement, l’image pelliculaire dérive lentement vers une représentation plus distincte. Julien Maire rebondit sur cette notion de projections à la file, dévoilant des représentations miniatures en stéréolithographie qui, éclairées et défilant très rapidement, créent un personnage en action.
A côté de ces œuvres semblant être regroupées dans une même réflexion sur ce qui compose la matière même de l’image cinématographique, d’autres pratiques explorent davantage son usage, révélant une forme d’esthétique du mix et du collectif à l’ouvrage. Par exemple, l’œuvre The Pirate Cinema de Nicolas Maigret, qui a fait l’objet d’une performance pendant le vernissage, projette aléatoirement sur trois écrans des extraits très rapides de films actuellement en cours de téléchargement sur la toile. On perçoit la référence aux Cuts-up de William S. Burroughs, également présentés ici.
A Marseille (où l’exposition est co-réalisée avec ZINC), si le nombre d’œuvres s’avère plus réduit, elles rejoignent parfaitement les problématiques du premier volet. Celles de Julien Maire poursuivent la réflexion de l’artiste sur une image décomposée en pixels qui s’élabore aléatoirement. Le très impressionnant 3 Min Scenario : Guerre d’Alain Josseau interroge, via dix maquettes de scènes de guerre filmées par une douzaine de caméras, la manière dont sont conçues les images médiatiques et notre façon de les recevoir et de les interpréter.
S’inscrivant dans le cadre de la plateforme e-topie (qui regroupe les acteurs œuvrant dans les pratiques numériques sur Aix et Marseille), Matière Cinéma élabore une réflexion globale sur la situation des arts numériques à travers le territoire, et jalonne le terrain en vue d’une biennale des arts numériques prévue pour l’automne prochain.

Estelle Wierzbicki

Expositions Matière Cinéma : jusqu’au 6/12 à Seconde Nature (27 bis, rue du 11 novembre, Aix-en-Provence) et au Petirama (Friche La Belle de Mai – 41 rue Jobin, 3^e).
Rens. : 04 42 64 61 01 / secondenature.org