Mefisto For Ever au Théâtre des Salins
Des âmes à l’amer
Guy Cassiers met magistralement en scène et en espace le roman Mephisto de Klaus Mann, fils du célèbre Thomas. Ce Mefisto For Ever a des « couilles » et ne laisse aucun spectateur indifférent, surtout dans le contexte actuel…
Personne ne semblait décider à programmer cette œuvre gigantesque, uniquement jouée à Avignon l’an dernier durant le Festival, les directions — signes des temps ? — semblant par trop frileuses. Heureusement, la situation s’est décantée : malgré ses trop nombreux et dangereux chefaillons à la solde d’un « monarque » sans moustache, la France arrive encore un peu à réagir. A l’inverse d’autres scènes nationales, les Salins ont donc pris les devants et proposent une vraie pièce de théâtre avec un vrai sujet et une vraie réflexion. Et ce ne sont pas trois heures en néerlandais qui parviendront à contrer ce colosse dramaturgique en marche. 1933, Berlin. Victor Müller, après une dernière mise en scène libre, refuse de quitter son poste et combat, coûte que coûte et autant que faire se peut, la dérive d’un pouvoir dictatorial, destructeur et stupide qui le tient à sa merci. Outre la mise en scène forcenée et grandiose, ce qui frappe le plus dans ce spectacle, c’est de voir à quel point la situation de 2008 ressemble à celle de 1933. Sur la forme et sur le fond : racisme, antisémitisme, culte de l’image, propagande médiatique, encerclement de la pensée, disparition de l’opposition… Mefisto For Ever laisse, par sa justesse, un arrière-goût incommodant qui nous tenaille. On se dit : « Et si ça pouvait recommencer ? »
Texte : Lionel Vicari
Photo : Koen Broos
Mefisto For Ever était présenté au Théâtre des Salins (Martigues) les 25 & 26/11.