Le collectif Skalen s’installe trois soirées à La Friche pour présenter Fragments #1. Poussant encore plus loin leurs traditionnelles expériences entre corps, image et son, les artistes ont choisi de travailler sur la mémoire.
Basé à Marseille depuis 1999, le collectif Skalen axe son travail sur le croisement des différents champs artistiques. Il réunit plusieurs artistes autour de la danseuse et fondatrice du collectif Michèle Ricozzi, du musicien Jean-Marc Montera (1) et du plasticien Patrick Laffont. Même si le « moteur » de leur travail est la danse, les autres modes d’expression occupent une place prépondérante et leur parole dans la création y est entendue sans considération hiérarchique. « Née de différentes étapes de travail et de projets auxquels nous avons participé depuis 2001, notre démarche n’a eu de cesse d’évoluer grâce à l’expérimentation et la recherche vers une forme d’écriture évolutive dont Xenit, I Next, Bruit, Contexte et Précipités en sont les formes « spectaculaires », explique Michèle Ricozzi. « Cette écriture est évolutive de par le cadre qu’elle propose, ce qui permet que les évènements, bien que nommés, choisis et déterminés, ne se répètent jamais vraiment de manière identique. L’inattendu reste donc toujours possible. Cette démarche appelle à une vigilance de tous les instants et nous engage dans un travail d’écoute et de mémoire sans cesse aiguisé de par les choix complexes des formes artistiques que nous croisons. » Corps en mouvements, univers sonore, images vidéo-scénographiques… telle est l’esthétique que Skalen défend. Et malgré l’utilisation des technologies nouvelles, ses créations s’inscrivent dans une appréhension artisanale du spectacle vivant. Fragments #1 se situe dans la continuité d’un travail mis en place dans le triptyque Xenit, I Next et Bruit. Dans ces pièces, le collectif avait choisi d’approcher le mouvement avec le plus de liberté possible en lien avec l’univers sonore dans lequel le corps est immergé, et dont il est en même temps la source. « Cette nouvelle pièce traduit par le mouvement les différentes qualités de notre conscience du temps, de notre propre compréhension de l’histoire immédiate qui s’écrit et que l’on écrit en jouant (se jouant ?) des réminiscences d’un passé encore présent. Fragments serait l’utopie de notre propre désir de faire… et de nous défaire de nos propres habitudes ancrées dans l’histoire de ce groupe singulier.» Ainsi, dans le bruissement infime d’un son, la répétition d’un mouvement et les constructions lumino-scénographiques provisoires, Fragments #1 est un univers possible de rencontres anachroniques entre les sensations immédiates que nous connaissons tous et celles qui, plus enfouies, façonnent minutieusement l’illusion troublante d’une mémoire. Où l’on assiste à une rencontre entre passé et présent traduite dans une écriture mobile où chaque médium (corps, son et image) recherche une alchimie. Skalen n’en est pas à son premier coup d’essai et nous a ébloui bien souvent. Ici, l’entreprise collective gagne encore en exigence et originalité, mais s’attaque surtout à un thème fort et d’actualité : la mémoire en fragments, le devoir de mémoire… Alors bravez le froid pour vous rendre à la Friche : ce beau travail devrait revigorer vos neurones.
Eva D
(1) Jean Marc Montera a fondé le G.R.I.M (Groupe de Recherche et d’Improvisation Musicale) en 1978