Millefeuille | Apporter demain – La France de la convention citoyenne pour le climat de Téo Saal, Lucas Zufic et Jonas Teboul
Coup de clim(at)
Si elle semblait un outil inédit de prise de décisions et de débats démocratique, la Convention Citoyenne pour le Climat avait tout du gadget gouvernemental pour apaiser les foules. Une bande dessinée revient sur cette aventure aussi porteuse d’espoir sur nos capacités d’action collectives que démoralisante quant à la réponse politique.
Souvenez-vous, nous étions en 2018, des citoyens aux gilets jaunes faisaient entendre un mécontentement sur de multiples sujets. Un an plus tard, face à la tiédeur de la réponse politique d’un gouvernement interloqué, un collectif composé de gilets jaunes, militants écologistes et acteurs de l’innovation démocratique propose une assemblée de 150 citoyens (de 16 à 90 ans) tirés aux sort, qui vont plancher durant neuf mois sur les questions de consommation, travail, production, mobilité, logement, alimentation. Portée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et appuyé par Cyril Dion et Marion Cotillard, la Convention Citoyenne pour le Climat sera officiellement mise en place en avril 2019 par le président Emmanuel Macron, qui s’engage à faire passer « sans filtre les propositions de la Convention à l’Assemblée nationale ou au référendum. » Dès lors, il s’agit pour ces citoyens de définir les actions qui permettront de baisser de 40 % les émission de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) et dans un esprit de justice sociale. Vaste chantier que de faire dialoguer 150 personnes (sur 255 000 numéros tirés au sort).
C’est cette histoire que raconte la bande dessinée écrite par Téo Saal et Lucas Zufic, et mise en images par Jonas Teboul. Elle s’organise autour des six thématiques avec deux pages pour chaque objectif et la mention des votes. Et c’est là que l’on remarque que, malgré la diversité des votants (aux niveaux sociologique, géographique, politique et générationnel), tous les objectifs sont votés à plus de 90 % — à l’exception de la baisse de la vitesse sur l’autoroute à 110 km/h qui n’est votée qu’à 59,7 %… la vitesse est le sujet clivant.
En suivant le fil des solutions, les auteurs tissent peu à peu un monde en phase de décarbonation désirable et surtout plausible à condition qu’il soit un tant soit peu habité et porté politiquement. Ce travail mis en place par nos concitoyens redonne confiance dans nos capacités à œuvrer collectivement et à produire des décisions sans équivoque sur des sujets complexes. Malheureusement, la plupart des propositions de la Convention n’ont pas été transmises « sans filtre à l’Assemblée nationale » ; et le gouvernement a détricoté les propositions pour le projet de loi « Climat et Résilience ». Plus récemment, on a appris que MaPrimeRénov allait être rabotée d’un milliard d’euros, tandis qu’on devrait changer l’indicateur du suivi de la consommation des pesticides, désormais pondéré par un coefficient de dangerosité, qui donnera (seulement) l’illusion d’une réduction de 50 % des pesticides en dix ans.
À la demande de la FNSEA, les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui sanctionnent les manquements à la législation, seront maintenant sous la coupe des préfets, eux-mêmes souvent mis sous pression par les agriculteurs. Voilà qui peut saper le moral.
Damien Bœuf
À lire : Apporter demain – La France de la convention citoyenne pour le climat de Téo Saal, Lucas Zufic et Jonas Teboul (Éditions Les enfants rouges)