MIMI Festival sur l’Île du Frioul
Lux Aeterna
La vingt-huitième édition du MIMI pourrait, en parcourant le programme d’un œil, sembler moins fringante que celle, exceptionnelle, de l’an dernier… Que nenni ! Car le festival ne manque pas d’explorer, une fois encore, toute une tripotée de mondes fascinants.
Démarrage en trombe, histoire de se confronter au populisme capital ambiant. Quoi de mieux qu’un projet hybride autour des Shadoks ? La critique sociétale des personnages de Jacques Rouxel n’a hélas pas pris une ride depuis leur création en 1968. Créatures enfermées dans des schémas absurdes au possible, pompant sans fin pour un système qui les pompe à son tour, elles reverront le jour sous la direction théâtrale de Franck Dimech. eRikm, qui n’est plus à présenter, s’occupera quant à lui de la musique. Avant ce moment très attendu, au MuCEM, sera proposé « un voyage dans l’univers des années 80 au Liban », entre électro et flûte, réunissant Rayess Bek (« l’un des représentants majeurs es mouvements rap et slam au Proche-Orient ») et Naïssam Jalal. En fin de journée, vous rencontrerez un virtuose, un homme qui joue de la six cordes comme d’autres se brossent les dents, un artiste qu’on ne présente plus : Noël Akchoté. Là encore, le projet demeure intriguant : reprise à cinq guitares de pièces obscures d’un compositeur italien du XVIe siècle tout aussi obscur. Un quintette dans une dimension probablement décalée, en direct de l’Hôpital Caroline. Le lendemain, outre les performances franco-françaises de Algecow (pop hybride) et de l’Ocelle Mare (folk expérimentale), ce sont surtout les compères de Père Ubu qui devraient majoritairement attirer la foule pour une date unique en France. Après quarante ans de post-punk, de rock avant-gardiste, ils risquent bien d’affoler les aiguilles des compteurs Geiger… A l’occasion de la Nuit de l’autre dimension, gageons que Serge Kakudji saura quant à lui rendre possible l’hybridation entre opéra et mythes africains. Juste après, le pionnier Jeff Mills posera ses platines pour un show chorégraphié par Raphaëlle Delaunay. « Une expérience sensorielle et psychologique forte », nous dit-on. La tête dans les étoiles, on voit déjà Ferdinand Richard se déhancher en coulisses… En clôture, alunissage avec le rappeur marseillais tour à tour poétique et sanguin Iraka. Nous avions annoncé son succès dès 2011, il se confirme de jour en jour. Rodolphe Burger conclura cette édition, lancé dans des sphères hautement spirituelles, mettant ses troubles en exergue, privilégiant la beauté de l’amour universel… Une sorte de happy end, qui devrait conclure un splendide voyage en des terres inconnues, mais pourtant familières.
Lionel Vicari