Vera Lehndorff & Holger Trülzsch, 1971

Mimicry-Empathy à la Friche

Fondus d’art

Depuis le 12 mars, l’exposition Mimicry-Empathy a pris ses quartiers à la Friche La Belle de Mai. Un pêle-mêle de propositions surprenantes porté par Susanne Bürner, une artiste allemande mêlant les travaux de près d’une vingtaine d’artistes aux techniques diverses et variées. 

Commençons par le commencement. Qu’est-ce que le mimétisme (mimicry en anglais) ? Dans le dictionnaire, on lui trouve les synonymes suivants : imitation, adaptation, assimilation, caméléonisme (si, si !) ou encore ressemblance. La curatrice de l’exposition, Susanne Bürner, explore quant à elle l’univers du mimétisme expérimental. Montré pour la première fois en 2018 à la Fondation Lajevardi à Téhéran (Iran) sous la forme d’une exposition accompagnée de projections, d’ateliers et de conférences, le projet a été suivi en 2020 par un livre éponyme. Tel un caméléon lui aussi, il s’adapte à son environnement. 

Pour mieux comprendre l’objectif de cette exposition, partons d’une autre facette du mot mimicry. En biologie, le terme implique l’adaptation à une forme de vie différente, une stratégie avantageuse dans certaines circonstances puisqu’elle vise à assurer la survie. Les œuvres présentes ici interrogent la relation entre une intention pragmatique de devenir autre et la faculté de s’en émanciper. « Parfois, on est aux confins du camouflage et de l’hypervisibilité », explique Thibault Vanco (membre de l’équipe de Fræme), en évoquant notamment l’œuvre de l’artiste allemand Jochen Lempert, photographe de faune et flore, dont les tirages gélatino-argentiques noir et blanc interrogent les relations entre le voir et l’être vu. Dans une de ses œuvres datant de 2018, toutes les créatures sont montrées de manière égale. Les images représentent une sélection d’espèces issues du monde végétal et animal à différents stades de formation, prises furtivement ou découvertes avec une radicale frontalité. 

À l’image des autres travaux présents dans la salle, qui utilisent des méthodes et matières différentes, la photographie de Vera von Lehndorff est unique en son genre. Ex-mannequin allemande surnommée Veruschka, elle décide de se réapproprier son corps en l’utilisant comme instrument de son travail artistique pour « être capable de se fondre dans ce qu’elle trouvait beau. » Sa série de trois photographies intitulée Hörzig Grotto date de 1971 (lorsqu’elle était sommet de sa carrière et de sa célébrité en tant que modèle) et explore l’univers d’une grotte tout en body painting : l’artiste se fond dans les murs de pierre d’une caverne, entièrement recouverte de peinture grise. 

Dans un tout autre genre, Grey Area (2001) de la Suédoise Sofia Hultén montre une femme vêtue d’un ensemble gris — en fait l’artiste elle-même — qui tente de se fondre et de se dissoudre dans les limites spatiales de son bureau. La neutralité de son costume gris rappelle les éléments de son environnement, suggérant l’espoir d’échapper aux restrictions de son lieu de travail. « En fait, elle n’y parvient pas vraiment ! », résume Thibault. Ses contours se distinguent toujours dans le mobilier. Saisissant ! Tout comme l’œuvre Tank, de l’artiste allemande Anika Schwarzlose, basée à Amsterdam. Un tank : on l’imagine volontiers comme un élément robuste et résistant à toute épreuve. Il nous est ici présenté comme un objet qui se gonfle et se dégonfle, le tout sur une banale moquette de couleur bleue. Anika Schwarzlose effectue ici un travail de recherche et de création en questionnant nos codes visuels pour enquêter sur les principes du camouflage et de ses formes, entre visibilité et invisibilité. Tank s’inscrit notamment dans cette quête : un plan fixe sur cet objet, conçu pour être transportable et facilement installable dans l’espace, ici décontextualisé et exhibé. 

Vous l’aurez compris, les propositions s’avèrent extrêmement variées, de l’image fixe ou animée aux matières plus palpables, comme l’œuvre en laine Igor, de Caroline Achaintre ; ou encore les structures en PVC Garmion et Yraminion de Berta Fischer. 

Susanne Bürner propose quant à elle sa propre série de photographies, Silk for V.B, A.P., B.D. and M.A. (2018), qui s’inspire du travail sur le drapé du psychiatre Gaëtan Gatian de Clérambault. Ces clichés montrent différentes mains se déplaçant entre les plis de la soie. Mais la soie n’en est que l’image, comme le révèlent les bords et les fentes découpés au couteau dans le papier imprimé : on navigue ici entre illusions et désillusions.  

Il reste encore un petit mois pour découvrir cette exposition foisonnante où chacun pourra se sentir libre de piocher un morceau, retenir une image, enregistrer un propos. Pour plonger encore un peu plus au cœur de ces travaux, se tiendra une soirée de projection liée à la grande nocturne du Printemps de l’Art Contemporain le jeudi 26 mai, de 17h à 22h. En attendant, Fræme anticipe également une nouvelle édition d’Art-o-rama, le Salon international d’art contemporain au mois d’août.

 

Charlotte Lazarewicz

 

Mimicry-Empathy : jusqu’au 5/06 à la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).

Rens. : www.lafriche.org / http://fraeme.art