Minecraft (Markus Persson – PC, Mac, Linux)
Minecraft est le produit d’un homme talentueux, imaginatif et obstiné, au point d’avoir démissionné de son emploi de développeur pour se consacrer à son œuvre. Il symbolise la force actuelle des créateurs indépendants car, avec plus de trois millions de membres (dont un million payants, le ticket d’entrée étant actuellement à 15 €), il est le phénomène vidéoludique du moment.
Si ce titre passionne et fédère une si grande communauté, ce n’est pas par sa réalisation, qui ne joue d’aucun effet moderne pour épater le chaland. En effet, ses graphismes cubiques et dépouillés ne flattent pas la rétine, aucun moteur physique réaliste ne régit l’animation des créatures, tandis que les décors ont la fâcheuse manie d’apparaître tardivement. C’est par-delà la plastique que sa beauté se trouve.
En effet, malgré des tares techniques évidentes (que des patchs tendent à gommer), il fait preuve d’une réelle esthétique et l’on se sent chez soi dans ce monde modulable à l’envi. On se surprend à la contemplation et l’impression prégnante d’évoluer dans un monde fantasmagorique, entre merveilleux (un lever de soleil sur la mer) et cauchemardesque (les grognements des créatures la nuit tombée), enivre le joueur à l’âme voyageuse.
Le succès du jeu repose sur son gameplay, façonné avec une méticulosité qui confine à l’artisanat. Dans le mode « survie», rien ne nous est imposé. La partie commence dans un paysage inconnu (généré aléatoirement), à la superficie six fois supérieure à celle de notre planète. Face à l’immensité et à la variété de cet univers, les possibilités d’exploration sont immenses, mais, dans un premier temps, il faut se préoccuper de survivre. En effet, bien que la tentation de flâner soit forte, le temps passe et, sitôt la nuit tombée, des monstres ne tardent pas à nous attaquer. Il faut alors exploiter ses journées à récolter des matériaux en vue de fabriquer des outils indispensables à notre survie. Ainsi, disposant d’une pioche fabriquée à l’aide des arbres, il est aisé de tailler la pierre et de fabriquer un abri dans le flanc d’un bloc rocailleux. La roche récoltée permettant de construire des instruments plus solides que ceux en bois, le joueur peut alors élargir sa zone d’exploration, en établissant des camps de fortune au gré de ses pérégrinations.
Les possibilités de construction sont multiples et donnent tout son attrait au titre : quelques planches permettent de créer des échelles ou des coffres ; des blocs de pierre s’assemblent en un four ; du charbon et un bâton fournissent des torches ; le cuir des vaches sert à confectionner des vêtements ; le fer est la base d’une boussole… Ce large spectre de combinaisons laisse libre cours à notre imagination (dans la limite des objets prévus par le développeur) et apporte une profondeur considérable au système de jeu.
C’est ainsi que des milliers de personnes à travers le monde ont su s’organiser pour construire, bloc par bloc, des villes entières, composées de bâtiments d’une complexité architecturale confinant à la monomanie et de kilomètres de rails traversant des caves illuminées ou des passages aériens vertigineux.
Le champ de création est immense et la notion de bac à sable, une mécanique dans laquelle de toute action découle un élément ludique, n’a jamais été aussi bien exploitée. Minecraft est une expérience phénoménale.
Sébastien Valencia