Mir Grabe, Spurensuche à la galerie CompleX

Temps figé

Une boîte posée sur un Algeco® au milieu des grues et des camions. A l’intérieur, un type à l’accent prononcé interdit à quiconque d’entrer. Pour sa troisième boîte, la galerie CompleX prend l’air en proposant une quasi-performance sur le chantier du Mucem où Mir Grabe a établi son sténopé ⁽¹⁾ géant.

En 2009, la galerie CompleX lance son projet « Boîte », dont le principe est d’utiliser un cube de deux mètres dans le processus de l’œuvre, quelle qu’elle soit : peinture, installation, ou dans ce cas, photographie. Démontée puis remontée au beau milieu du chantier du très attendu Musée des Civilisations de l’Europe et de Méditerranée, la petite boîte a cette fois servi de sténopé géant à Mir Grabe. L’Allemand s’y est installé durant quatre jours pour figer le paysage auquel nous n’aurons bientôt plus accès, puisque son sténopé était placé en plein centre du futur bâtiment signé Rudy Riccioti. En résulte une série de photos noir et blanc, exposées actuellement dans la boîte chez CompleX. L’exposition Spurensuche appartient à une série que l’artiste a commencée en novembre dernier sur Marseille. Parce qu’il photographie les traces que l’humain laisse sur son environnement, Mir Grabe privilégie les espaces urbains, construits. Les bâtiments définissant des formes dans l’espace, les plans se découpent les uns par rapport autres, pleins et creux, lumières et ombres. Dans la série Entre temps, on appréhendait les images de Mir Grabe comme une peinture abstraite russe, une sorte de composition géométrique qui n’est autre que le dessin que forment les bâtiments de chaque côté de la rue quand on regarde le ciel. Les formes et les couleurs sont inversées parce Mir montre la première prise, celle sur papier négatif qu’il se contente de révéler. Ses images sont donc uniques et originelles. Et si certaines sont conformes à notre vision des choses, c’est que le photographe a utilisé un papier positif, comme celui des polaroïds. Dans Spurensuche, les photos de Mir Grabe capturent le temps, celui qui passe et nous transforme. Le temps qui passe quand, pendant de longues heures, l’image se pose sur le papier. Mir Grabe nous invite à le suspendre l’espace d’un instant, avant que quelque chose ne s’efface…

Céline Ghisleri

Mir Grabe – Spurensuche : jusqu’au 30/04 à la galerie CompleX (6 rue Pastoret, 6e). Rens. 09 54 92 23 21 / complexmarseille.fr

1. Le sténopé est un dispositif optique, un simple trou, de très faible diamètre. Par extension, on appelle ainsi l’appareil photographique utilisant un tel dispositif.[↩]