Madame rêve
Mme S est une magicienne plasticienne dont le bord des rêves s’étire comme la pieuvre. Elle nous entraîne sur des supports dentelés, à travers des ombres révélées aux murs, en récoltant le mystère féminin au petit matin.
Le superbe travail de Mme S sort des gangues d’un étrange sommeil, puisque l’auteur nous fait partager ce qui l’a saisie au cours de ses « invasions nocturnes » et couche sur papier de nouveaux draps.
Pascaline Zicavo de la Galerie Invisible a, d’un battement de cils, donné son accord pour un accrochage très réussi. Installation tentaculaire, kakemonos et autres séries aquatiques attendent d’être apprivoisés.
Sandrine (ainsi se prénomme la porteuse d’ondines) dispose de plus d’une cordée de jumelles dans son sac. Son ressac éteint et berce doucement le foyer d’une œuvre à la fois incandescente et bienveillante. Il s’agit d’une démarche à regarder (en étant émerveillé par sa qualité graphique), mais aussi à entendre, sans risque d’être berné par le chant des sirènes. Parfois archivées à la manière des entomologistes, les réalisations restent inclassables. On y plonge en observant, comme une cartographie, les morsures que la flamme et le geste ont permis de composer ; le voyage s’avère sans doute nostalgique, peut-être érotique, surtout initiatique. Car les gardiennes des secrets nous parlent alors que les bouches restent closes. Leurs anatomies délicates à l’encre et crayon se libèrent des traits de contours, les pommettes et les pieds jolis rosissent pendant que les paupières se hachurent d’ébats. Ces filles alanguies savent se lover et se larver sans se consumer ni étouffer. Elles sont sœurs des fées qu’illustrait Arthur Rackham. Chacun(e) d’entre nous aura envie de les rejoindre.
Marika Nanquette
Mme S. : jusqu’au 27/11 à la Galerie Invisible (2 rue du petit puits, 2e).
Rens. : 06 18 17 27 82
Pour en (sa)voir plus : mme.s.free.fr