Mustapha Sedjal – The System needs an update à la Galerie Karima Celestin
Mémoire vive
La petite histoire a lié leurs destins… L’artiste Mustapha Sedjal et la galeriste Karima Celestin se croisent à nouveau à l’occasion d’une nouvelle exposition riche de sens…
« Si tu ne veux pas l’homme qui est en face de toi, comment croirais-je à l’homme qui peut être en toi ? » Frantz Fanon (in Peaux noires, masques blancs, Le Seuil, 1952)
Mustapha Sedjal œuvre contre l’oubli. L’exposition The System needs an update est comme une tentative de « redémarrer » nos mémoires, à l’instar d’un ordinateur filtrant, triant ou archivant mécaniquement des histoires du passé qui perdent de leur consistance avec le temps. Telle est l’inexorable tâche de l’artiste : se battre contre le temps qui passe, l’amnésie collective et la réécriture de l’histoire… Mustapha Sedjal conçoit son exposition autour de la pensée de Fantz Fanon, figure martiniquaise impliquée dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie et qui n’a eu de cesse d’interroger, dans ses écrits, les conséquences psychologiques de la colonisation. A travers l’écrivain, l’artiste nous parle un peu de lui-même, de son histoire personnelle dont il nous garde pudiquement à distance. C’est par des gestes que le plasticien s’exprime, et tous ceux de Mustapha Sedjal impliquent l’effacement comme corollaire visuel à l’amnésie. Des dessins réalisés à l’aiguille tendent à disparaître selon la lumière, dessins blancs sur blanc dans lesquels on peine à discerner la main qui froisse la feuille de papier. Dans ses dessins et ses sculptures, des points et des sutures expriment, à travers des gestes de couturières, les réminiscences d’un héritage personnel, d’ultimes tentatives de raccommoder le destin des uns et des autres et d’interroger les répercutions sensibles, aujourd’hui encore, dans les deux pays liés par la colonisation et la guerre d’Algérie.
A la galerie Karima Celestin, les œuvres de Mustapha Sedjal s’harmonisent dans des tonalités de blanc et noir : une sobriété radicale au service de la puissance du propos, transposé par des gestes simples et éloquents. La feuille blanche, support commun au plasticien et à l’écrivain, revient dans l’exposition sous différentes formes et dans divers matériaux. Ici, elles sont suspendues, froissées, jetées, mais fossilisées dans la matière. Des boules de papier sont jetées au sol, comme pour tourner la page de l’histoire et du livre que l’artiste détruit dans sa vidéo… Mais si les livres s’effacent, s’ils se perdent ou brûlent dans les autodafés, les idées demeurent vivaces dans les esprits de ceux qu’elles ont touchés. Elles finissent par renaître dans la parole ou dans l’exposition d’un artiste qui n’entend pas nous laisser reconsidérer l’histoire à notre guise et qui s’interroge sur ce passé froissé. N’entendions-nous pas parler, il n’y a pas si longtemps, du « rôle positif de la colonisation » ?
Céline Ghisleri
Mustapha Sedjal – The System needs an update : jusqu’au 3/05 à la Galerie Karima Celestin (25 rue Sénac, 1er).
Rens. www.karimacelestin.com
Pour en (sa)voir plus : http://sedjalmustapha.hautetfort.com