Nécessaire et urgent d’Annie Zadek par Diphtong Cie
La terreur de penser
Comment questionner l’indicible ? Hubert Colas représente cette interrogation dans une mise en scène simple et solennelle de Nécessaire et Urgent d’Annie Zadek.
En 524 questions, Annie Zadek montre comment une mémoire tue est semblable à un vide béant pour ses héritiers. Le spectateur assume en quelque sorte le rôle de destinataire, portant en lui les disparus, les morts auxquels ces interrogations suspendues s’adressent comme autant de récits possibles, avec en toile de fond la déportation et les camps d’extermination. Les différentes générations sont perméables aux traumas familiaux dont la progéniture est dépositaire. Membres fantômes, les passés des aïeux hantent le temps présent. Quelque chose se transmet souterrainement, à travers les silences : ces questions touchent à l’essentiel avec une apparente simplicité d’expression d’où est exclu tout pathos. Sur scène, un cube de verre où les figures des deux acteurs se profilent, silhouettes lointaines et floues, dans la lumière aveuglante. La fumée s’y accumule avant d’être libérée, funeste nuage qui contamine le plateau.
Des questions ouvertes soulignent l’absence de réponses comme une suite de crochets auxquels viendraient se pendre des bribes de pensée immédiatement réactivées par la demande suivante. De grandes inconnues par le prisme desquelles la vie tente de toucher la mémoire de cet irreprésentable qu’est le génocide. C’est par la langue seule qu’elle se transpose en images psychiques, en représentations, stimulations et émotions issues du corps propre et de l’environnement. Derrière cela, l’effrayant destin des survivants et le fardeau traumatique de leurs descendants, qui doivent se créer une pensée, afin d’éviter d’en figer la représentation, pour éluder les blocages et la terreur de penser.
Barbara Chossis et Olivier Puech
Nécessaire et urgent d’Annie Zadek par Diphtong Cie était présenté du 21 au 25/04 au Théâtre Joliette-Minoterie