Never Forever – (USA – 1h34) de Gina Kim avec Vera Farmiga, Ha Jung-woo, David Mc Innis…
Remballez vos mouchoirs
Soyons binaire, pour une fois, ça nous changera des grandes phrases. Pour étalonner un bon mélodrame, vous avez le choix des armes. Optez pour une séance en soirée, période propice à l’épanouissement des émotions (un truc lié à l’enfance, ne m’interrompez pas) et surtout, pensez à vous adjoindre une femme ou un homme qui sait parler à la vierge effarouchée qui sommeille en lui (chacun ses goûts et arrêtez de m’interrompre). De deux choses l’une : si votre compagne d’un soir (ou de toute une vie, peu importe, ça vous amuse vraiment de me couper toutes les deux phrases ?) verse des torrents de larmes à la première note de violon, c’est un vrai mélo et vous allez en baver. Maintenant, si la chère et tendre que vous observez d’un œil — l’autre étant irrésistiblement attiré par l’empreinte follement mélancolique du visage de Vera Farmiga — sourit, vous serre timidement la main puis se pince nerveusement la lèvre lorsque l’amant coréen est emmené par la police, vous faites l’expérience de la différence entre un mélodrame et un mélo, entre l’eau de rose et le parfum de la vie. Le premier film de Gina Kim ne révolutionnera sans doute pas le genre. Il y va de ses excès (musicaux, surtout) et de ses ficelles narratives un peu voyantes. Pourtant, il recèle une qualité fondamentale qui en fait un mélodrame au sens où Douglas Sirk le pratiquait jadis : il effleure les corps là où d’autres surlignent, il touche là où d’autres arnaquent. A l’évidence, Gina Kim s’est posée la question de la bonne distance, du plan ou de la lumière avant de réaliser Never Forever. Et c’est ce respect de la matière abordée qui donne au film son inestimable douceur.
Romain Carlioz