Valérie Kanti Fernando

Nouvelles de l’Inde plurielle

Nouvelles de l’Inde plurielle

 

Ce mois-ci, l’Inde pose ses bagages dans l’actualité artistique marseillaise. Focus sur trois événements mettant à l’honneur cette culture.

 

Le Festival Mehfil

Comme aiment à le rappeler Maïtreyee Mahatma et Nabankur Bhattacharia, artistes indiens de Calcutta et créateurs du festival, les Mehfil, soirées réservées à la poésie, unissaient bien souvent les arts de la danse, du chant et de la musique dans les palais des nobles musulmans. Depuis trois ans déjà, la programmation du festival a été pensée telle une réception « à la maison », riche de culture et de partage invitant des artistes indiens ambassadeurs de leur culture et valeurs à travers le monde. Elle réunit pour la première fois trois demeures : la Mesón, la Maison du chant et la Cité de la Musique, que bien des projets rassemblent déjà.

 

Rien ne pouvait mieux sonner comme titre pour cette création qu’Alter Ego, vu à la Mesón le 29 septembre. Tout ce dont la danseuse indienne Maïtreyee Mahatma et la danseuse de flamenco Sarah Moha avaient envie de partager nous fut révélé comme l’évidence d’une complémentarité, d’une source commune. Le flamenco alternait tout au long du spectacle avec le kathak, danse du Nord de l’Inde. Maïtreyee s’est appliquée à nous montrer force et vigueur à travers l’exécution de mouvements de danse pure ou d’expressions narratives. Sarah Moha jouait et provoquait à son tour, s’appropriant alors, à douze, six, quatre ou trois temps, les cycles rythmiques, retrouvant la symbiose entre solea, buleria, seguirilla y tango. Elle nous régala de son style, développant ses zapateados, punteados, escobillas dans un duende très personnel. Telles des joutes rythmiques, entre frappés de pieds, jeux de jambes et de bras, fluidité des mains, les corps virevoltaient, s’enroulaient, se pliaient dans une complète fusion pleine de grâce et de sensualité répondant à la virtuosité des percussionnistes-chanteurs, Tito au cajon et Nabankur Bhattacharia aux tablas. Défiant les codes, les artistes nous ont entraînés dans une ivresse crescendo pour terminer la soirée en traditionnelle fin de fiesta.

Pour parfaire cette édition, habituons nos oreilles aux multiples rythmes et modulations de la musique indienne. Samrat Pandit, chanteur classique de Calcutta, excelle dans l’interprétation du raga ; il compose et transmet une couleur émotionnelle dans l’art du choix des modes. Il est des ragas codifiés pour chaque moment de la journée, du lever au coucher du soleil, pour les saisons, les saveurs, les sentiments… Samrat Pandit introduira en une brève présentation ceux qu’il nous réserve. Spécialiste de la musique vocale hindoustani, il rajoute à ce récital (à la Maison du Chant) un stage de chant raga dans la pure tradition de la transmission orale.

À quelques rues de là, à la Cité de la Musique, un étonnant voyage instrumental d’Hawaï à Calcutta étoffera ce programme. Une enrichissante découverte entre slide guitar hawaïenne et Hansa Veena. Hansa veut dire « cygne », telle la bordure du manche courbé de cet instrument ressemblant au cou du majestueux oiseau. Le 12, Pandit Barun Pal, disciple de Pandit Ravi Shankar, y interprétera le Raaga Indien accompagné aux tablas par Nabankur Bhattacharya. Dès le lendemain, mêlons nos pas à ceux des Bauls, à leurs chants et danses, jusqu’aux racines du Bengale. Paban Das Baul est rattaché à ces communautés situées au nord-est de l’Inde. Groupés dans les villages ou marchant tels des ménestrels mystiques, ils vivent de leurs chants dévotionnels aux influences hindous, bouddhistes et soufistes. Paban Das Baul partagera cette soirée avec Mimlu Sen, Fadi Zakar et Nabankur Bhattacharya.

On pourra poursuivre cet avant-goût avec les stages de slide guitar, tablas et kathak les 13 et 14/10.

 

> Jusqu’au 14/10 à Marseille.
Rens. : www.taaltarang.com

Le programme complet du Festival Mehfil ici

 

Soirée lecture, danse et délices

Situé à Belsunce, le Théâtre de l’Œuvre avec sa salle à l’italienne fait la part belle à ce pays. Avec Visages de l’Inde, à 19h30, place aux lectures issues des textes d’Ananda Devi, Taslima Nasreen, Anita Nair, Arun Kolkatar, Rabindranath Tagore… lus par Marien Guillé et Sarah Schreiber. De l’estuaire à la source en une traversée littéraire et poétique, plongeons dans ce territoire aux voix multiples, mythologiques et contemporaines.

Parampara : 20h, l’heure des invocations avec la danseuse Valérie Kanti Fernando. En solo, tel un acte de dévotion envers la divinité Shiva, elle explore le répertoire infiniment riche et sacré de cette danse de l’Inde du sud qu’est le Bharata Natyam à travers des chorégraphies et compositions traditionnelles, réinterprétées par les maîtres de l’école Sri Rajarajeswari, dans le style de Thanjavur. Esthétique sculpturale, rythmes des adavus (danse pure) et poèmes dansés sont au programme du récital.

 

> Le 6/10 au Théâtre de l’Œuvre (1 rue Mission de la France, 1er).
Rens. : http://theatre-oeuvre.com

 

Charla Banjara

Cette création est une véritable charla, en espagnol une conversation, entre danseuses et musiciens. L’histoire des Banjara, peuple nomade du Rajasthan et celle des Fils du vent, gitans andalous, se rejoignent en une fluidité naturelle entre l’Inde avec Maria Robin, au chant et à la danse kalbeliya, danse gitane du Rajasthan, et l’Andalousie avec La Fabia, danseuse puisant sa force dans les racines ancestrales flamencas. Ainsi, la transe soufie côtoie le duende et la tradition se mêle à la modernité. La danse converse avec la musique persane servie par Shadi Fathi, le cante jondo flamenco de Jesus de la Manuela, gitan andalou à la puissante voix, et au chant kalbeliya de Maria.

 

> Le 18/10 à la Cité de la Musique (4 rue Bernard Dubois, 1er).
Rens. : 04 91 39 28 28 / www.citemusique-marseille.com

 

Sylvia Obrados