Que ma voix demeure

Au cœur des Alpes-de-Haute Provence se déroule l’une des plus belles manifestations de l’année : pour sa sixième édition, à Forcalquier, Niozelles et Vachères, Numéro Zéro nous entraîne dans un fascinant bal d’images et de sons, ciselant une programmation hors du commun.

Pour qui a arpenté leurs moindres dénivelés, les terres de Haute-Provence résonnent de mille sons, mille images qui, une fois gravés, hantent notre imaginaire et notre rapport au nonde. N’évoquait-on pas déjà la fabrique musicale de l’œuvre dans les écrits de Giono ? Aujourd’hui, ce territoire abrite, et cela n’est sans doute pas un hasard, l’une des meilleures propositions artistiques régionales. Les équipes de la Miroiterie et le cinéma Le Bourguet nous dévoilent en effet le sémillant programme de Numéro Zéro qui, pour sa sixième édition, investira Forcalquier et ses environs pour un chapelet d’expériences sonores et visuelles, entre autres, toujours savamment orchestrées. Comme un écho, projections, performances sonores, ciné-concerts ou autres séances d’écoutes se répondront durant les six jours de festivités. À commencer par la séance de l’exaltant Atlantic Bar que la réalisatrice Fanny Molins viendra présenter en soirée d’ouverture, film magnifiquement photographié, chant du cygne d’un troquet arlésien où viennent se noyer toutes les humanités du monde. Une projection qui sera précédée de la pièce sonore de Péroline Barbet-Adda Passer l’hiver, qui fut accueillie en résidence par les équipes de Numéro Zéro. Le jour suivant, direction Niozelles : l’atelier bruitage de Samia el Hadj précèdera le prometteur ciné-concert orchestré sur le chef d’œuvre de Robert Flaherty, Nanouk l’Esquimau, par les musiciens Simon Sieger et Thomas Weirich. La conférence Beau bruit d’Iris Kaufmann et la séance du film de Morgane Dziurla-Petit, Excess will save us, viendront alors en point d’orgue de cette riche journée. La manifestation offre d’ailleurs un volet cinématographique de toute beauté, en présence de nombreux.ses invité.e.s : outre les séances de Nous, étudiants de Rafiki Fariala, La Bête intime de Samy Pollet-Villard ou Les Voix de passage de Juliette Darroussin, Jean Boiron-Lajous accompagnera, aux côtés du comédien Valentin Dilas, la projection du savoureux Il faut se tromper, découvert au FID Marseille. Cette sixième édition sera d’ailleurs l’occasion d’accueillir l’excellent historien du cinéma Federico Rossin, afin de présenter une poignée de séances consacrées à Marcel Łoziński, l’un des plus grands documentaristes polonais, dont l’œuvre fut autant célébrée à l’international (il fut même nommé aux Oscars pour 89 mm d’écart) que censurée dans son propre pays. Une occasion unique de découvrir trois opus de cet artiste engagé, Tout peut arriver, Exercices d’atelier et Urszula et le prix de la liberté. Quelques jours plus tard, Federico Rossin proposera, en écho à ces projections, une exploration de l’histoire du cinéma au fil de cette question particulière : Que s’est-il passé ensuite ? Parmi les nombreux partenaires de Numéro Zéro, outre l’ACID, citons la dynamique structure Documentaire sur Grand Écran, à l’origine de la proposition Écouter-Voir, durant laquelle la réalisatrice Marie Diagne, s’appuyant sur deux films de Johan Van Der Keuken, développe une technique d’audiodescription, consistant à décrire à l’oral les éléments visuels du film. Enfin, ne manquons pas de citer également les projections de La Lutte est une fin d’Arthur Thomas-Pavlowsky, Children of the mist d’Hà Lệ Diễm, La Bête lumineuse de Pierre Perrault, Karaoké domestique d’Inès Rabadán ou Todas por Uma de Jeanne Dosse. Les nombreuses expérimentations sonores, délivrées en public, seront quant à elles assurées, entre autres, par Alessandro Bosetti, Delphine Eyraud, Chloé Guilbert, JB Degorces, Julie Michel ou Théo Boulenger, pour un feu d’artifice sensoriel convoquant tous les imaginaires possibles.

Emmanuel Vigne

Numéro Zéro : du 2 au 7/05 à Forcalquier, Niozelles et Vachères (04).

Rens. : https://festivalnumerozero.com

Le programme complet de Numéro Zéro ici