Oh les beaux jours ! au Théâtre Nono
Nono, they can !
Dans leur lieu « innovatoire » de la campagne Pastré, les Nono s’apprêtent à (faire) vivre les beaux jours de Samuel Beckett. Rencontre avec l’ambitieuse équipe artistique à quelques jours des premières représentations.
L’équipe du Théâtre Nono s’est réunie autour d’une table, au soleil. Serge Noyelle qualifie ce lieu convivial, aux allures de bout du monde paisible, d’« innovatoire. Chaque spectateur est accueilli comme un membre vivant s’incorporant au théâtre Nono. » Mais c’est également un lieu où l’on travaille dur. Au programme cette année : Beckett. Le défi est de taille, d’autant plus lorsque l’on s’attaque à Oh les beaux jours !
Marion Coutris aborde le rôle de Winnie comme une aventure artistique : « L’écriture de Beckett est inaliénable. On ne la manipule pas. Elle est exigeante et on est obligé de travailler en profondeur. Réussir ce passage de la contrainte à la liberté constitue le mystère fou et renouvelé du théâtre. »
Pour interpréter Willie, personnage presque invisible ne s’exprimant que par des murmures, Noël Vergès a dû faire un gros travail sur le mouvement. Au-delà du défi dramaturgique que cela a représenté, le comédien rappelle le côté universel du monde de Beckett : « On le dit intellectuel et cérébral alors qu’au contraire, je le trouve très concret. Il a écrit des choses sur la condition humaine qui me touchent profondément. C’est vivant et toujours avec de l’humour. »
Serge Noyelle, plasticien de formation, le qualifie quant à lui de « plasticien de la parole et de l’écriture. » Une idée partagée par Marion Coutris : « Beckett, c’est une écriture qui ne travaille qu’avec l’essentiel des mots : il n’y en a pas un de trop. Cela permet de déplacer un peu notre point de vue. »
Car bien loin d’être un « souk théâtral », le travail de Beckett est minutieux. Chaque mot est pensé. Des mots que Serge Noyelle qualifie de « déchirés », qui ne se rattachent pas à un fil narratif car la pièce est dépourvue de narration ; mais une écriture basée sur l’esthétique et l’inconscient. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a choisi de traiter la pièce de manière très onirique, avec beaucoup de variations de lumière : « J’ai une vision plastique, Marion a une vision littéraire et philosophique. Du coup, notre travail installe immédiatement le problème du rapport à l’image. » Et la comédienne de surenchérir : « Le spectateur sera plongé dans un univers intimiste, centrifuge. Ce sera épuré, mais c’est aussi une forme de spectaculaire. »
Sonia Attias