Olivier Nattes à la Galerie Château de Servières
L’essence de l’art
La nature reprend ses droits au Château de Servières, où Olivier Nattes invite la flore à pénétrer l’intérieur du white cube, qui se vide de sa substance et peut-être aussi un peu de son essence…
« L’art n’est plus la question », dit Bernard Stiegler. Non pas qu’aujourd’hui l’art ne veuille plus rien dire, mais qu’il doit s’intéresser à autre chose qu’à lui-même… Ramené aux urgences écologiques et sociales de son siècle, un art préoccupé par son propre statut ne serait plus en phase avec son époque… Le philosophe, qui aime à dire que « l’humanité est arrivée au stade final de l’anthropocène », signait en octobre dernier la postface du dernier livre de Paul Ardenne, Un art écologique, création plasticienne et anthropocène, premier ouvrage de référence en France à s’intéresser à la question de ces artistes qui traitent dans leur travail de la cause écologique, et dont certains inscrivent leur pratique dans une réflexion et une attitude écosophiques.
Olivier Nattes est de ceux-là. Fasciné depuis l’enfance par la nature et ses phénomènes naturels (optiques, physiques, chimiques), le plasticien utilise dans ses installations des moyens et des matériaux issus de la nature et la plupart du temps réversibles, s’inscrivant dans le champ de l’art contemporain, mais pas uniquement. « Une œuvre d’art peut donc changer le monde », comme le disait une jeune collégienne lors de la visite de son exposition au Château de Servières. Non pas parce qu’elle apporte des solutions miracles, mais parce qu’elle est porteuse d’un potentiel possible, comme en témoigne ce ballon de baudruche constamment gonflé dans son aquarium de verre. Atmosphère II ne défie pourtant aucune règle physique ; au contraire, l’œuvre en a la connaissance et les applique, tout en émerveillant par tant de beauté produite (seulement) par la nature et ses éléments.
Pas question pour Olivier Nattes de brusquer le visiteur ; il l’invite à ralentir, à s’arrêter, à s’allonger et contempler Canopée. Véritable éloge de la paresse, l’œuvre offre une parenthèse de rêverie, d’introspection ; les pensées se construisent pour se rappeler, si on l’avait oublié, que la nature, quand on la laisse exister, peut être plus étonnante encore que toutes les réalités virtuelles inventées…
« C’est presque insulter les formes du monde de penser que nous pouvons inventer quelque chose ou que nous ayons même besoin d’inventer quoi que ce soit. » Jorge Luis Borges
Céline Ghisleri
Olivier Nattes – La suite finira bien par arriver : jusqu’au 6/07 à la Galerie Château de Servières (11-19 boulevard Boisson, 4e). Rens. : 04 91 85 42 78 / www.chateaudeservieres.org/