On ira voir la mer au Théâtre de la Minoterie
Marée basse
A la Minoterie, l’ensemble A Nouveau a présenté On ira voir la mer, troisième fragment d’une création interrogeant la vie et la mort, et consacré ici à la naissance.
Cinq portes-fenêtres sur roulettes, un bain de pieds, un écran lumineux translucide pour le décor, et trois comédiens silencieux : l’ensemble A Nouveau fait dans l’épure. Omniprésente, une bande-son très juste diffuse les émotions que tentent de nous transmettre le trio sur scène, palliant en partie l’absence de rythme de la performance.
Les portes vitrées pourraient symboliser des fenêtres reliant le ventre maternel au monde extérieur, le passage de l’un à l’autre, le sas de communication, le plongeoir vers l’inconnu. L’eau du bain de pieds pourrait rappeler le liquide amniotique, l’écran lumineux à ombres chinoises simulerait une échographie ou un spot interne projetant la silhouette fœtale sur le ventre gonflé. On ouvre grand les portes pour vivre une nouvelle expérience ; on est torturé et confiné dans l’encadrement de la porte, car ces changements bouleversent et effraient, tant les parents que le nourrisson. Et en fin de compte, on se retrouve seul, habité par la crainte ou l’exaltation, avec une question lancinante et obsédante : « Et après ? ». Certes, donner la vie d’un côté et la recevoir de l’autre ne se fait pas sans questionnement, sans douleur et sans bouleversement. Mais tous ces tableaux métaphoriques et statiques n’ont pas l’art de déclencher beaucoup d’émotions, et encore moins l’envie de se lancer dans la grande et joyeuse aventure. Il paraît que ça parle de naissance et de vie, mais c’est ennuyeux comme la mort. On espère que ça va démarrer et dans le même temps, on a envie que ça s’arrête.
On ira voir la mer ? : une nouvelle image à décrypter, après celles des fenêtres, du bassin ou de l’écran. Ça ressemble de plus en plus à un jeu de pistes. Mais les messages sont codés et les pistes brouillées. La mer, cette mystérieuse inconnue vers laquelle on se dirige irrémédiablement avec une certaine forme d’appréhension et qui provoque l’extase au bout du chemin. Ici, point d’extase. La mer, mère de nos rêves et invitations au voyage, devrait donner envie d’aller découvrir, d’aller ressentir, d’aller aimer. Ici, point d’envie. La mer, source de vie et d’inspiration… Et si on retournait boire à la source ?
Texte : Yves Bouyx
Photo : Virginie Besanc?on
On ira voir la mer était présenté du 30/03 au 2/04 au Théâtre de la Minoterie