Organizing Demons + 3 in Passacaglia + Burn in Flames au BNM
Le style Gat
Le Ballet National de Marseille a commencé sa saison par une programmation qui donne de l’espace à la jeune création.
D’abord Gabor Halasz, danseur du BNM, qui se voit offrir une carte blanche pour un solo de vingt minutes avec Burn in Flames, suivi de Yasuyki Endo (assistant de Frédéric Flamand) pour un trio qui reprend en toute liberté le rapport homme/femme cher à William Forsythe dans 3 in Passacaglia. Enfin, Organizing Demons d’Emanuel Gat nous permet de faire le point sur l’ascension de cet artiste israélien. Avant d’être chorégraphe, Emanuel Gat nouait le désir de devenir chef d’orchestre. Arrivé tard à la danse (23 ans), il semble avoir pris l’envergure de ses rêves par le bon bout, c’est-à-dire sans préjugé et avec une certaine liberté du geste, parce qu’il est justement un danseur du mouvement perpétuel. La déambulation se veut fluide dans un cassé du poignet qui entraîne, à la manière du smurf, une résonance des angles et une gestuelle coulée où le temps d’arrêt permet de rebondir sur une autre diagonale. Tout s’enchaîne et se déroule dans une simplicité évidente, comme si rien ne devait s’arrêter, à la manière d’une improvisation millimétrée. Ce qui définit la danse d’Emanuel Gat, c’est une signature, un style clairement identifiable. On entre dans le domaine de la respiration, de ce qui naît sans effort par l’illusion d’une grâce naturelle. La musique, composée par ses soins, se confond sur deux pistes dans un remix proche de Mahler et le beat fluide d’un air techno. On pourrait dire que ça plane, mais c’est un peu plus compliqué, car le contretemps et la dissonance restent l’acte majeur de l’écriture d’une phrase. Toutefois, derrière tant d’agilité, on reste dans l’attente d’un début de synopsis, d’une esquisse de point de vue. Quelque chose qui nous renvoie vers l’extérieur et nous aide à dialoguer avec le présent, parce que la danse contemporaine, ce n’est pas seulement l’envie de rentrer dans une bulle qui nous flatte, mais le désir majeur d’aborder la complexité de l’actualité sous un autre angle.
Karim Grandi-Baupain