Papier Machine au Studio Fotokino
L’art et la matière (première)
Tout bon bricoleur le sait : difficile de faire cohabiter de nombreuses matières lorsqu’il s’agit de fabriquer un objet utile ou de réaliser des travaux d’appartement. Les artistes, par contre, ne se préoccupent pas de cette contrainte. L’exposition Papier Machine démontre qu’art et construction peuvent faire bon ménage.
Pousser la porte du Studio Fotokino pour y découvrir l’exposition Papier Machine est un peu comme mettre des lunettes avec des verres en formes de compas, d’équerre ou de rapporteur colorés et entrer dans le monde merveilleux de grandes découvertes à une échelle miniature et géométrique. L’exposition s’est certes terminée le 25 février 2018, mais un retour paraissait nécessaire tant le plaisir fut grand et l’attente de savoir où se produira ensuite l’événement, courte, espérons-le.
Comme le précisent les deux designers derrière ce projet, Marion Pinaffo et Raphaël Pluvinage, leurs inspirations ont été triples. Il s’agit tout d’abord de « voir l’électronique comme des micro-mondes, architectures cachées que l’on pourrait observer au microscope ou à la loupe. » Ensuite, nos deux artistes/professeurs Tournesol ont cherché un moyen original et interactif de transposer sur papier des jeux populaires tels que les fléchettes ou le flipper. Enfin, la mémoire visuelle n’étant jamais loin pour des designers, les impressions de circuits graphiques comme les tracés de course automobile ou de terrains de sport ont gravé des images dans leur cerveau avant de se retrouver dans leurs œuvres.
On est donc loin de l’esprit élitiste que l’on peut, parfois, ressentir à l’approche du design. À voir, utiliser, et jouer avec ces insectes électroniques de papier, ces billes qui circulent sur de l’encre d’argent ou ce masque capteur de vent, on comprend vite qu’il est plutôt question d’objets populaires avec un écho mémoriel folklorique. On finira même par se demander si les mystérieux tracés géants observés depuis un avion sur la région péruvienne de Nazca n’auraient pas inspiré les circuits électroniques.
Il y a une véritable beauté invisible dans l’électronique, que nous révèlent les objets présentés, qui figureront bientôt dans un livre. Ils tiennent autant du jouet que d’une branche cachée d’un célèbre magasin de mobilier suédois où le particulier assemble seul ce qu’il achète. Au plaisir visuel s’ajoute ainsi une interactivité qui nous donne le privilège de donner la vie au papier. Et quand l’on voit les enfants accompagnés de leurs parents lors de cette exposition, où chacun construit et joue, on a la confirmation que l’art n’a pas d’âge. Et le bricolage non plus.
Et comme si la vue et le toucher ne suffisait pas, le son est également invité à la fête par le biais du musicien Flavien Berger, ami rencontré par Raphaël et Marion sur les bancs de la même école de design, l’ENSCI-Les-Ateliers. Son travail a été guidé par l’idée de tracer un pont entre jeu et instrument. Le potentiel narratif de l’électronique se déploie ainsi autant sous nos yeux que dans nos oreilles.
Il est probable qu’aucun défi n’arrêtera ces artistes. Ainsi rêvent-ils de fabriquer des créatures mythiques, des fleurs, ou encore des figures de manga. Autant de golems de papier et d’électronique à créer.
Guillaume Arias
L’exposition Papier Machine s’est déroulée au Studio Fotokino du 14 au 25 février 2018. L’exposition trouvera un autre débouché dans un livre interactif bientôt disponible sur www.papiermachine.io à partir du mois de juillet.