Partager les murs – II : Hiver à l’Arthothèque Antonin Artaud

L’Interview
L’équipe de l’Arthothèque Antonin Artaud (1)

 

L’exposition Partager les murs est l’occasion de revenir sur le travail remarquable des enseignants de l’Artothèque. Des passionnés qui n’ont de cesse de générer des rencontres avec l’art, rendant ainsi la culture accessible à tous.

Pouvez-vous nous rappeler l’origine et le principe de l’Artothèque ?
Un groupe d’enseignants et de lycéens a, en 1987, pensé ajouter à la bibliothèque du CDI un secteur artistique. Il s’agissait au début d’une démarche culturelle militante : confronter les élèves de nos quartiers à la création artistique, en leur  proposant d’emprunter des reproductions ou des affiches. Mais très vite, grâce à la générosité des artistes, nous avons commencé à constituer une collection d’œuvres d’art contemporain, puis à envisager de faire des expositions dans la salle de lecture attenante au CDI. Le projet a reçu ­— dans ces années où l’ouverture des lycées sur le monde extérieur était souhaitée par les pouvoirs publics — l’appui des autorités de l’Education Nationale, mais aussi de la DRAC, de l’Office municipal de la Culture et la collaboration de nombreux artistes.

Comment s’opère le choix des artistes ?
C’est assez variable. Il peut s’agir d’artistes que nous avons repérés lors d’une expo ou que l’on nous a recommandés ; certains nous sollicitent aussi en envoyant un dossier.
Nous les contactons et nous visitons leur atelier pour avoir une vision plus ample de leur travail. Puis l’ensemble de l’équipe choisit. Certains artistes ont fait des résidences au lycée, et y ont réalisé des œuvres. Cette année, nous sommes en pleine exception : nous avons fait le choix pour 2012-2013 d’expos collectives, qui sont le fruit de plusieurs coups de cœur.

Comment gardez-vous une trace des expositions ?
Nous travaillons avec l’artiste pour réaliser un cahier, en associant dans la plupart des cas des reproductions d’œuvres et un entretien. Le cahier est donc une mémoire de l’exposition, mais pas seulement. Il rend compte de notre rencontre avec chacun des artistes. Enfin, l’achat d’une œuvre qui vient s’ajouter à notre collection contribue à maintenir le souvenir de l’expo ; à travers elle, l’artiste laisse une trace concrète de son travail dans le lycée. Une des originalités de ces expositions en milieu scolaire est également de permettre aux lycéens de rencontrer des artistes et de débattre avec eux dans l’espace de l’exposition.

A qui s’adresse votre collection ?
La collection est aujourd’hui riche de cinq cents œuvres, elle est à la disposition des lycéens, institutions, établissements scolaires et associations. L’adhésion annuelle, de quinze euros, permet d’emprunter une œuvre et la ramener chez soi. Nous avons des partenariats avec de nombreux collèges des environs depuis des années, et ainsi les collégiens peuvent voir des œuvres « en vrai », travailler dessus avec leurs enseignants. Ils peuvent aussi venir au lycée visiter les expos et rencontrer les artistes. Cela participe pour nous à la fois de l’ouverture culturelle, de l’histoire des arts et du lien entre collège et lycée.

« L’art pour l’art » semble une époque révolue (en théorie)… Alors quid de la question financière ?
L’équipe de l’Artothèque est bénévole (ou presque : quatre enseignants se partagent deux heures et demie supplémentaires par semaine), et plusieurs enseignants à la retraite continuent à consacrer du temps à l’association de façon totalement bénévole. Les frais de fonctionnement étant réduits au minimum, le budget est essentiellement consacré à la réalisation de nos projets artistiques : publication des cahiers, organisation des expositions, ateliers, acquisitions. Nous recevons des subventions de la Ville de Marseille, de la DRAC, de la Région PACA, et nous avons bon espoir de retrouver en 2013 une aide de la part du Conseil Général. Le lycée nous soutient en prêtant gratuitement à l’Artothèque les locaux dont elle a besoin et en assurant le buffet pour les vernissages.

Quels sont les prochains défis à relever ? Et comment réaliser ces ambitions ?
L’Arthotèque est un projet d’une exceptionnelle longévité : vingt-cinq ans bientôt ! Pour continuer à fonctionner conformément à nos désirs et à nos ambitions, nous aurions besoin de nouveaux collègues prêts à s’engager pour l’amour de l’art ! Mais aussi et surtout d’une meilleure reconnaissance institutionnelle, sous forme d’heures financées par l’Education Nationale, ou même d’un emploi complet : on peut penser à un emploi aidé, ou mieux encore à ce que dans l’Education Nationale, on appelle un poste à profil, enseignant ou documentaliste aux compétences reconnues qui disposerait d’un mi-temps pour l’Artothèque. Nous sommes contraints de différer certains projets faute de temps, comme par exemple la numérisation de notre catalogue, la création d’un site Internet… Les gens que nous rencontrons sont toujours surpris de constater l’écart entre le boulot réalisé, la qualité des expositions, l’importance de la collection, la richesse des cahiers, et les moyens dont nous disposons pour les faire connaître. On pourrait faire tellement plus à partir de ce que nous avons déjà…

Propos recueillis par Nathalie Boisson

 

(1) Denis Chapal, Geneviève Couraud, Laure-Anne Fillias, Gérard Fontès, Marie-Christine Garcin, Nicole Lacroix, Odile Pagano, Nicole Pardoux, Caroline Roux

Artothèque Antonin Artaud : 25 chemin Notre-Dame de la Consolation, 13e.
Rens. 04 91 06 38 05

Expo en cours : Partager les murs – II : Hiver, jusqu’au 14/03